Frankl, philosophe et psychiatre, rescapé juif des camps nazis, professeur de neurologie et de psychiatrie, directeur pendant 25 ans de la policlinique de Vienne et enseignant à Harvard et Stanford. Il est le fondateur d’une nouvelle approche psychologique et psychiatrique. Pour lui la quête de l’homme est avant tout celle du sens.
Les névroses collectives touchent un grand nombre de les gens qui partagent la même culture. Il a défini quatre attitudes comme des névroses collectives : le manque d’attention portée à l’avenir, le fatalisme (croire que tout a des causes externes), le conformisme ou « pensée collectiviste » et le fanatisme (idéaliser ses convictions et ne pas tolérer le reste).
L’attitude qui se distingue par le fait de ne rien prévoir, de vivre au jour le jour constitue le premier symptôme.
L’humain contemporain s’est habitué à vivre jour après jour. Il a appris à agir de cette manière au cours de la dernière guerre mondiale, et depuis lors, il n’a pas changé d’attitude. Les gens vivaient ainsi parce qu’ils attendaient la fin de la guerre ; c’est pour cette raison que le fait de prévoir quoi que ce soit n’avait aucun sens. Après la guerre, l’humain moyen se demandait : « Pourquoi agirais-je ? Pourquoi devrais-je échafauder des projets ? Tôt ou tard, la bombe atomique s’abattra sur nous et détruira tout. » C’est ainsi qu’il a glissé dans l’attitude que caractérise l’expression : « Après moi, al bombe atomique ! » L’anticipation de la guerre atomique est aussi dangereuse que n’importe quelle angoisse d’anticipation, dans la mesure où, comme n’importe quelle peur, elle transforme l’objet de la peur en réalité. Nous pouvons voir à notre époque le même fonctionnement non plus basé sur la bombe atomique mais sur les problèmes climatiques, et bien plus récemment sur la pandémie.
L’attitude fataliste à l’égard de la vie constitue le deuxième symptôme.
Ceci aussi est un effet des crises du 20 et 21e siècle. L’être humain a été poussé. Il s’est laissé aller à la dérive. L’humain qui vit au jour le jour tient pour inutile le fait de prévoir ses actions. Il a lui-même le sentiment d’être le jouet passif des circonstances extérieures ou des déterminismes internes.
La pensée collective constitue le troisième symptôme.
L’humain voudrait plonger dans la masse, il est réellement noyé dans la masse ; il renonce à lui-même en tant qu’être libre et surtout responsable.
Le fanatisme définit le quatrième symptôme.
Tandis que l’individu de la masse ignore sa propre personnalité, le fanatique ignore la personnalité des autres, la personnalité de celui ou de celle qui pense autrement que lui. Seule sa propre opinion lui paraît valable. En réalité, ses opinions sont celles du groupe et il ne les possède pas vraiment ; ce sont ses opinions qui le possèdent.
L’humain contemporain est devenu las de tout ce qui est d’ordre spirituel, et cette suspicion est peut-être l’essence même de ce nihilisme qui a si souvent été évoqué et si rarement défini. Freud déclara un jour, dans une lettre adressée à Binswanger : « l’humanité a toujours su qu’elle était dotée d’un esprit ; ma mission a été de lui montrer qu’elle avait aussi des instincts. » Ces dernières années, l’humanité a démontré qu’elle possédait des instincts, des pulsions. Aujourd’hui, il paraît important de rappeler à l’être humain qu’il est doté d’un esprit, qu’il est un être spirituel. La psychothérapie devrait rappeler cela, particulièrement lorsqu’elle est amenée à traiter de la névrose collective.