La solastalgie ou la souffrance écologique

La solastalgie ou la souffrance écologique

Il est difficile de savoir combien de personnes sont concernées car la solastalgie est encore méconnue, notamment par les médecins. Elle risque cependant de toucher un nombre grandissant de nos contemporains dans les années à venir. Pour le moins, proportionnel ou non à l’ampleur des dommages que nous faisons subir à la planète. Pour autant, il existe des solutions pour pallier cette angoisse.

Définition : La solastalgie est un syndrome de souffrance chronique (anxiété, angoisse, colère, impuissance…) dû aux changements climatiques et environnementaux. La solastalgie se traduit par une souffrance psychique, morale et spirituelle face aux évolutions constatées du climat et des écosystèmes. Le mot solastalgie a été inventé en 2003 par l’Australien et philosophe environnemental Glenn Albrecht. Il renvoie littéralement à la perte de ce qui pouvait être un facteur de réconfort, à savoir notre habitat. La solastalgie est donc la perte (ou la nostalgie) de notre planète telle qu’elle était avant l’Anthropocène, c’est-à-dire avant que les activités humaines aient une incidence majeure sur la Terre.

 

La solastalgie : une souffrance mentale.

Il existe un consensus sur le fait que des événements d’une ampleur telle qu’une dégradation rapide du climat et/ou de la biodiversité peuvent entraîner un trouble de type trouble de stress post-traumatique, un trouble dépressif majeur, de l’anxiété et un réel traumatisme. La solastalgie inclut un sentiment particulier de tristesse et de regret pour un environnement futur désiré ou souhaitable dont on pense qu’il ne pourra avoir lieu.

Janet Lewis insiste sur le fait qu’un stress grave induit par un traumatisme perdure plus longtemps sous forme de stress post-traumatique quand il a une cause humaine, que lorsque cette cause est naturelle. Or, les crises climatiques et de la biodiversité ont des causes humaines.

 

L’absence de solution claire face au dérèglement climatique amplifie la sensation mal-être.

la solastalgie traduit la perte de l’espoir d’un monde meilleur. Pour autant, la solastalgie n’est pas qu’une nostalgie du passé. C’est également une angoisse existentielle face à la détérioration et à la destruction irréversible de notre environnement immédiat et des êtres vivants qui l’habitent.

La solastalgie est également l’expression d’un double décalage, qui met en souffrance les individus concernés.

  • D’abord, le décalage de l’individu par rapport à « l’ordre du monde », à la société de consommation et à la majorité de ses concitoyens, qui continuent d’agir, de polluer et de consommer comme si de rien n’était. Cette prise de conscience engendre souvent un sentiment de solitude, d’incompréhension, voire de colère chez les personnes concernées.
  • Le second décalage implique les individus pris dans un quotidien urbain, un environnement pollué, avec potentiellement un emploi dépourvu de sens. Ils ont conscience que ce mode de vie n’est plus soutenable, or ils continuent à vivre à l’opposé de leur aspiration à une vie plus simple et plus résiliente. Pour de nombreuses raisons, il leur est difficile de franchir le pas et de rompre avec leur environnement familier. Ils continuent, un peu malgré eux, à vivre comme si de rien n’était, avec, peut-être au fond, l’espoir que les choses resteront telles qu’elles sont. Mais ce déchirement qui s’opère entre leur conscience et leur quotidien les met en souffrance.

 

Alain Braconnier parle, lui, d’une « mélancolie du futur » , dans laquelle se retrouve la dimension prospective. Ce vague à l’âme est associé à une vision très pessimiste de l’existence. Elle provient d’un ressenti d’impuissance face à un avenir de plus en plus incertain et que nous ne pouvons maîtriser.

En cas d’éco-anxiété (voir l’article ici) c’est la projection vers l’avenir qui génère la souffrance alors que la solastalgie provient d’une expérience directe de désolation et de perte faite dans un environnement. La détresse est prospective pour l’éco-anxiété, elle est rétrospective pour la solastalgie. Cependant on pourrait parler aussi d’ « éco-colère », d’ « écotristesse », ou encore pour les plus optimistes d’ « éco-joie » ? Jean-Pierre Le Danff, écopsychologue, préfère le terme de « souffrance écologique ». La notion de solastalgie, quant à elle, prend en compte la pluralité de cette dimension émotionnelle

 

Agir avec des pairs est salutaire pour lutter contre le stress chronique

Pour les psychologues Clayton (et ses collègues) en 2017, le fait de voir d’autres personnes activement engagées dans la lutte contre le changement climatique peut atténuer ce risque. D’autres solutions proposées pour mieux supporter ce type de stress chronique sont par exemple « l’amélioration des liens sociaux, la reconnaissance de l’anxiété et d’autres sentiments difficiles, la reconnexion à la nature et la recherche de moyens créatifs pour se réengager ». En 2018, Glenn Albrecht (inventeur du concept de solastalgie) estime qu’un changement de paradigme est nécessaire et urgent dans la relation Homme-Nature.

L’écrivain Richard Louv, dans son livre Le dernier enfant de la forêt, a créé le terme de « trouble du déficit de la nature ». Ce phénomène très curieux est associé à l’augmentation des cas de déficit de l’attention, d’obésité et de dépression, en plus d’autres problèmes de santé physique et mentale. Ce manque de nature peut particulièrement affecter les enfants. De manière inconsciente, ils ressentent le besoin d’être en contact avec le milieu naturel. En faisant des excursions à la campagne, à la mer ou à la montagne.

Cette déconnexion du monde peut nous aider à améliorer nos niveaux de concentration. Et à réduire le stress ou l’irritabilité accumulés au quotidien. Par ailleurs, passer plus de temps au contact de la nature peut nous aider à soulager ou à éviter le risque de souffrir de maladies respiratoires dues à la pollution dans les milieux urbains.

Au quotidien, nous pouvons essayer de consommer différemment : réduire notre quantité de déchets, manger moins de produits d’origine animale (viande, poissons, oeufs, produits laitiers). Privilégier les aliments d’origine végétale,  local, et bio afin de participer à la transition écologique. Réduire nos déplacements surtout en avion. Repenser en profondeur notre rapport au temps (ralentir, se connecter plus aux sensations et émotions).

Je pense qu’il faut également faire attention à notre usage des réseaux sociaux, notamment Facebook. En effet, leurs algorithmes ont tendance à nous enfermer dans un courant de pensée en ne nous proposant que des posts qui correspondent à nos préférences et donc à ce que nous pensons déjà. Il est important, pour éviter un phénomène de débordement ou de saturation de notre esprit, de varier les sources d’informations et les nouvelles que nous lisons.

Au niveau social, aller marcher pour le climat ou s’engager dans une association à vocation écologique permet de rencontrer des personnes partageant les mêmes préoccupations et peut ainsi contribuer à apaiser son esprit.

Dans une démarche plus profonde peut être déménager pour avoir un nouveau lieu de vie résiliant et en paix dans la nature. Penser à un changement de carrière professionnel plus en lien avec nos valeurs et idéaux. Voir comment augmenter son autonomie ( potager, connaissance du « do it your self »…) 

 

La question qui se pose finalement est de savoir comment s’inscrire dans ce monde, quels nouveaux récits écrire et qui seront racontés ? et comment y participer ? C’est dans ce cadre qu’il peut être important d’être accompagné(e), d’être soutenu(e) pour pouvoir identifier, sentir et finalement vivre le choix d’expérience que l’on souhaite pour soi.

 

« Il n’y a qu’un crime, c’est de désespérer du monde. Nous sommes appelés à pleins poumons à faire neuf ce qui était vieux, à croire à la montée de la sève dans le vieux tronc de l’arbre de vie. Nous sommes appelés à renaître, à congédier en nous le vieillard amer… »   Christiane Singer – Derniers fragments d’un long voyage

 

 

 

 

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