Lorsque notre réflexion nous amène vers des erreurs

Lorsque notre réflexion nous amène vers des erreurs

Nous avons tendance à faire confiance à ce qui se passe dans notre pensée. Après tout, si vous ne pouvez pas faire confiance à votre propre réflexion, à quoi pouvez-vous vous fier ? En général, c’est une bonne chose – notre cerveau a été câblé pour nous alerter du danger, nous attirer vers des partenaires potentiels et trouver des solutions aux problèmes que nous rencontrons tous les jours. Cependant, il y a des occasions où vous voudrez peut-être deviner ce que votre réflexion vous dit. Ce n’est pas que votre pensée vous ment délibérément, c’est juste qu’elle peut avoir développé des connexions défectueuses ou inutiles au fil du temps.

Notre réflexion est prédisposée à établir des liens entre les pensées, les idées, les actions et les conséquences, qu’elles soient vraiment liées ou non.

Cette tendance à établir des liens là où il n’y a pas de véritable relation est à la base d’un problème courant lorsqu’il s’agit d’interpréter la recherche : l’hypothèse selon laquelle parce que deux variables sont corrélées, l’une cause ou conduit à l’autre. Le refrain “corrélation n’égale pas causalité !” est familier à tout étudiant en psychologie ou en sciences sociales.

Il est trop facile de voir une coïncidence ou une relation compliquée et de faire des hypothèses fausses ou trop simplistes dans la recherche, tout comme il est facile de relier deux événements ou pensées qui se produisent à peu près au même moment lorsqu’il n’y a pas de liens réels entre eux.

Il existe de nombreux termes pour ce type d’erreur dans la recherche en sciences sociales, avec un jargon académique et une formulation trop compliquée. Dans le contexte de nos pensées et de nos croyances, ces erreurs sont appelées « distorsions cognitives ».

Que sont les distorsions cognitives ?

 

Les distorsions cognitives sont des perspectives biaisées que nous adoptons sur nous-mêmes et sur le monde qui nous entoure. C’est des pensées et des croyances irrationnelles que nous renforçons sans le savoir avec le temps.

Ces schémas et systèmes de pensée sont souvent subtils – il est difficile de les reconnaître lorsqu’ils font partie de vos pensées quotidiennes. C’est pourquoi ils peuvent être si dommageables, car il est difficile de changer ce que vous ne reconnaissez pas comme quelque chose qui doit changer !

Les distorsions cognitives se présentent sous de nombreuses formes (que nous aborderons plus loin dans cet article), mais elles ont toutes certaines choses en commun.

Toutes les distorsions cognitives sont :

  • Tendances ou schémas de pensée ou de croyance ;
  • qui sont faux ou inexacts ;
  • Et ont le potentiel de causer des dommages psychologiques.

Il peut être effrayant d’admettre que vous pouvez être la proie de pensées déformées. Vous pensez peut-être : « Il est hors de question que je m’accroche à des croyances manifestement fausses ! Alors que la plupart des gens ne souffrent pas dans leur vie quotidienne de ce genre de distorsions cognitives, il semble que personne ne puisse complètement échapper à ces distorsions.

Si vous êtes humain, vous êtes probablement tombé dans certaines des nombreuses distorsions cognitives à un moment ou à un autre. La différence entre ceux qui tombent occasionnellement dans une distorsion cognitive et ceux qui luttent avec eux à plus long terme est la capacité d’identifier et de modifier ou de corriger ces schémas de pensée défectueux.

Comme pour de nombreuses compétences et capacités dans la vie, certaines sont bien meilleures que d’autres, mais avec de la pratique, vous pouvez améliorer votre capacité à reconnaître et à réagir à ces distorsions.

Il a été démontré que ces distorsions sont positivement liées aux symptômes de la dépression, ce qui signifie que là où les distorsions cognitives abondent, les symptômes de la dépression sont susceptibles de se produire également (Burns, Shaw et Croker, 1987).

Selon les mots du célèbre psychiatre et chercheur David Burns :

“Je soupçonne que vous constaterez qu’un grand nombre de vos sentiments négatifs sont en fait basés sur de telles erreurs de pensée.”

Les erreurs de pensée ou les distorsions cognitives sont particulièrement efficaces pour provoquer ou exacerber les symptômes de la dépression. Il est encore un peu ambigu de savoir si ces distorsions provoquent la dépression ou si la dépression fait ressortir ces distorsions (après tout, la corrélation n’est pas égale à la causalité !) mais il est clair qu’elles vont souvent de pair.

Une liste des distorsions cognitives les plus courantes

 

La pensée dichotomique : tout ou rien 

Lorsque le raisonnement est privé de nuances, tout ce qui n’est pas une victoire devient une défaite, tout ce qui n’est pas sans risque devient dangereux, etc. Ce type de pensée se retrouve logiquement associé au perfectionnisme, aux sentiments dépressifs d’incapacité, de culpabilité, d’autodévalorisation mais également à certains traits de personnalités pathologiques.

« Si vous n’êtes pas avec moi, vous êtes contre moi » 

« J’ai fait un écart, ça ne vaut plus la peine de continuer le régime » 

« L’employeur ne m’a pas recruté, je ne suis pas fait pour ce boulot »

L’abstraction sélective : filtrage mental 

D’un événement ou d’une expérience ne seront retenus que les détails les plus déplaisants. Ceux-ci viennent souvent confirmer une croyance négative préalable. Cette opération conduit la plupart du temps à une fixation et à des ruminations anxieuses, dépressives, obsédantes en rapport avec ces fameux détails.

« J’ai gâché mon RDV avec lui car en l’embrassant, je lui ai marché sur le pied » 

« Mon exposé est raté, j’ai vu quelqu’un rire dans le public » 

« Ce médecin a consulté le Vidal pendant la consultation, il n’est pas compétent »

La disqualification du positif : pas pour moi 

Plus que d’un à priori négatif, il s’agit d’un rejet systématique du caractère positif d’un événement et de sa transformation neutre ou négative. Un événement négatif sera en revanche bien mérité. Ce genre de raisonnement constitue un puissant renforçateur de la dépression tant il a tendance à priver des conséquences positives de l’action.

« Oui j’ai eu mon diplôme cette année, mais c’est un coup de chance » 

« Elle m’a fait un compliment sur ma cuisine, mais c’est parce qu’elle a pitié de moi » 

« Le patron m’a offert une promotion mais c’est parce qu’il n’avait personne d’autre à qui la donner »

La surgénéralisation : toujours et partout 

L’extrapolation peut devenir outrancière, notamment lorsqu’un ou quelques évènements négatifs suffisent à résumer l’ensemble des expériences et/ou des performances d’un individu. Cette surgénéralisation peut aussi bien concerner le passé, le présent ou l’avenir (verticale ou chronologique) qu’elle peut s’étendre à d’autres domaines plus ou moins en rapport avec l’événement.

« J’ai été licencié, j’ai toujours été incapable de garder un boulot » 

« Aucune fille ne m’a invité à danser hier, et de toute façon personne ne s’intéresse à moi » 

« Je suis encore tombé sur un homme marié, c’est sûr, je resterai seule toute ma vie »

L’étiquetage : jugement définitif 

Coller sur soi ou les autres des étiquettes négatives procure volontiers des émotions toutes aussi négatives et contrarie parallèlement toute idée d’évolution positive. Cataloguer renforce notamment le sentiment d’incapacité et le désespoir caractéristiques de la dépression.

« J’ai oublié mon RDV, je ne suis pas quelqu’un de fiable » 

« Il m’a doublé par la droite, c’est un chauffard ! » 

« Je me suis énervé contre lui, je ne sais pas garder mon sang froid »

L’inférence arbitraire : boule de cristal 

Lorsque ce qui devrait rester une intuition devient une conviction, la conclusion se tire souvent trop hâtivement et sans preuve. Lire dans la pensée d’autrui ou prédire l’avenir restent deux pratiques divinatoires fréquemment associées à la souffrance émotionnelle et à la renonciation anxieuse ou dépressive.

« Ça ne sert à rien de lui demander une augmentation car si je la méritais, il me l’aurait donnée » 

« Je ne serai jamais suffisamment solide pour pouvoir me passer des médicaments » 

« Si elle ne m’a pas rappelé, c’est qu’elle n’a pas envie de me voir ».

Le catastrophisme : pire du pire 

Des scénarios désastreux peuvent se construire sur la base d’un simple incident sans gravité, et conduire à « s’en faire une montagne ». Assimiler ce qui devrait rester des pensées à des faits, toujours sans preuve, favorise l’escalade d’émotions négatives associées à ces prédictions funestes.

« Ma fille n’est toujours pas rentrée, elle a du se faire kidnapper, violer, assassiner… » 

« J’ai laissé ma braguette ouverte toute la matinée, ils doivent tous se moquer de moi, ma réputation est fichue, je n’ai plus qu’à changer de boulot, à déménager, loin… » 

« Ma femme rigole en lisant le SMS d’un collègue, elle me trompe, elle ne m’aime plus, nous allons devoir divorcer et je me retrouverai seul, personne ne voudra d’un cocu comme moi… »

Le raisonnement émotionnel : preuve par le sentiment 

Lorsque l’importance accordée à une émotion devient excessive, celle-ci peut être assimilée à une véritable preuve, voire à un fait et aboutir à un jugement erroné. Les émotions fortes contrarient ainsi la prise en compte d’éléments contradictoires et donc l’analyse rationnelle d’une situation.

« S’il a réussi à m’énerver à ce point, c’est qu’il cherche les problèmes » 

« Le patron m’a convoqué dans son bureau, je ne suis pas tranquille, il a certainement quelque chose à me reprocher » 

« J’étais mal à l’aise au diner, je suis sûr qu’ils m’ont trouvé ridicule ».

La personnalisation : auto-flagellation 

L’interprétation d’un événement peut conduire à surestimer sa responsabilité voire à la créer de toutes pièces, ceci favorisant logiquement l’émergence d’un sentiment de culpabilité. Ce phénomène se répète et s’intensifie au cours de la dépression jusqu’à parfois se sentir la cause de tous les malheurs du Monde.

« Mon fils a encore raté ses examens, je n’ai jamais réussi à lui donner le gout des études » 

« Ma femme semble contrariée, j’ai forcément dit quelque chose de mal » 

« Mon père fait une dépression, c’est de ma faute, je n’ai pas été à la hauteur de ses attentes »

 

Les fausses obligations : musturbation 

Les règles fixées de façon arbitraire, les exigences rigides de soi-même ou des autres favorisent volontiers l’émergence de sentiments douloureux tels que la déception, la frustration, la culpabilité ou la colère. Les « je souhaiterais », « j’aurais préféré » laissent la place aux « je dois », « il faut ».

« Il faut toujours aider ses amis, je ne peux donc pas refuser de lui prêter de l’argent » 

« Il est indispensable d’être apprécié de ses voisins, je ne dois donc pas leur faire de reproches quand ils font du bruit » 

« Après tout ce que j’ai fait pour elle, comment ose-t-elle refuser de me confier sa voiture ? »

 

Vous trouverez ici un article sur : Changer sa manière de penser : exemples de techniques pour lutter contre les distorsions cognitives.

 

 

 

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