Notre cerveau n’est pas un ordinateur (analyse neuro-psy)

Notre cerveau n’est pas un ordinateur (analyse neuro-psy)

Pendant de nombreuses années, les scientifiques croyaient que le cerveau était un organe réactif (la fameuse image du cerveau qui fonctionnerait comme un ordinateur). C’est-à-dire que les sens qui captent des informations, la transmettent au cerveau, celui-ci l’organise, la réarrange, l’interprète, et nous en donne une forme de condensé qui remonte à la conscience. Les neurones passaient la plus grande partie du temps en dormance et ne s’activaient que lorsqu’ils étaient stimulés (par une vue, un son…). Par exemple, si je lis un livre, je vais me dire que mon cerveau va lire les mots, les lignes, et va réagir à ce qu’il lit. Ce qui serait le fonctionnement classique si nous avions un cerveau réactif.

Seulement, la science a évolué sur cette question et a remarqué que le cerveau faisait aussi des prédictions. C’est-à-dire qu’il réagit aussi à lui-même, à notre passé, à nos apprentissages, à nos conclusions, consciente ou inconsciente, sur ce que nous avons capté du monde, ce qui change tout. L’idée de « codage prédictif » (predictive coding) (Mumford, 1992 ; Rao & Ballard, 1999), nommé aussi « cerveau bayésien » postule que notre cerveau infère, à partir des entrées sensorielles, un modèle interne du monde extérieur. À son tour, ce modèle interne peut être utilisé pour créer des anticipations sur les entrées sensorielles. L’hypothèse du codage prédictif suppose que le cerveau génère en permanence de telles anticipations, et génère un signal de surprise ou d’erreur lorsque ces prédictions sont violées par des entrées sensorielles inattendues. L’idée que le cerveau ne fonctionne pas comme un dispositif passif d’entrée-sortie, mais est un système actif capable de générer des prédictions et d’en vérifier la validité, a une longue histoire en éthologie, psychologie et neurosciences. Elle a été proposée sous des formes les plus diverses : concepts de copie efférente (von Helmholtz, von Holst), de critique interne (Sutton & Barto) ou de prédiction de la récompense (Schultz).  Prédire, c’est gagner du temps en disposant d’informations à l’avance, parfois avant même qu’elles n’atteignent les récepteurs sensoriels.

En effet, tous les neurones sont constamment activés, se stimulant les uns les autres à divers rythmes. Cette activité cérébrale intrinsèque est l’une des grandes découvertes récentes en neurosciences. Cette activité représente « des millions de prédictions de ce que vous êtes susceptibles de rencontrer dans le monde, basées sur l’expérience passée de toute votre vie.  Par exemple, si je rencontre une personne, je ne vais pas seulement réagir à ce qu’elle est vraiment, (aux informations que je capte d’elle avec mes sens), mais je vais aussi réagir à un niveau plus inconscient et profond à pleins d’apprentissages. Par exemple, cette personne peut me rappeler une personne inconsciemment, et fera des parallèles entre les deux personnes en projetant des éléments, ce qui fait que la personne devient autant ce qu’elle est, que ce que j’imagine qu’elle est.

Dès lors, nous voyons que l’être humain vie donc en partie dans ses croyances (au sens le plus général et non seulement spirituel / religieux) et ses représentations, ce qui rend difficile d’avoir accès à de véritables informations du monde sans filtres de notre part. Les données suggèrent que les pensées, les sentiments, les perceptions, les souvenirs, la prise de décision, la catégorisation, l’imagination, et bien d’autres phénomènes mentaux qui sont historiquement traités comme des processus cérébraux distincts, peuvent tous être unis par un seul mécanisme, la prédiction. Nous sous-estimons bien souvent la capacité de notre cerveau à nous projeter inconsciemment dans un monde d’imagination, de croyances, qui prime sur les informations sensorielles que l’on capte. Aujourd’hui, les chercheurs qui creusent le domaine, semblent arriver à la conclusion que les prédictions internes de notre cerveau semblent avoir une incidence supérieure dans notre vie à ce que nos sens collectent comme informations à l’âge adulte.

 

Conclusion : 

Ce que je vis et autant lié à ce que je m’attends à vivre, à ce que je crois, à ce que j’imagine, à ce que j’ai déjà emmagasiné comme informations, au moins autant, voir bien plus, qu’au contexte dans lequel je suis, à ce que je vois, je sens et à ce qu’on me dit. L’être humain, vie donc plus dans ses croyances que dans sa réalité. D’où l’importance de bien prendre en compte, voire de questionner notre rapport à nos propres croyances internes, surtout si celles-ci sont sources de souffrances. 

 

Pour aller plus loin :

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013700621002608

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