L’approche narrative repose sur une idée centrale : les êtres humains donnent sens à leur existence à travers les récits qu’ils construisent. Ces récits ne sont pas de simples reflets du réel, mais des modes d’interprétation, influencés par le langage, la culture et les rapports de pouvoir. L’approche narrative invite donc à considérer les histoires personnelles comme des constructions sociales, ouvertes à la relecture et à la transformation. Elle fait la distinction entre le problème et la personne. Elle considère que chacun possède des talents, des compétences, des croyances, des valeurs, des engagements et des aptitudes susceptibles de l’aider à réduire l’influence des problèmes dans sa vie et même de l’en dégager.
Quoi de mieux pour commencer, qu’une citation dite par un grand conteur Français : Henri Gougaud
L’approche narrative rejette l’idée d’un sujet figé ou d’une vérité unique et objective sur soi-même. Au contraire, elle affirme que les identités se construisent à travers des récits multiples, souvent contradictoires, qui prennent sens dans un contexte donné. Cette posture s’oppose à une vision déterministe ou pathologisante des individus, en mettant l’accent sur leur capacité à redevenir auteurs de leur vie. Selon Bruner, la cognition humaine est façonnée par deux modalités principales : le paradigmatique (logique, scientifique) et le narratif (expérientiel, subjectif). L’approche narrative privilégie cette seconde modalité, en valorisant la dimension interprétative du récit de soi comme outil de connaissance, de reconnaissance et de transformation.
Selon Michael White quand la personne a un problème, et qu’il envahit tout, elle est dans une dimension traumatique. Alors l’explication et la conscientisation de celui-ci permettent de prendre du recul sur l’espace du problème. Puis nous cherchons la manière dont la personne résiste parfois à l’histoire dominante ou au problème. Ensuite la solution est de faire émerger des moments d’exception qui sont présents même s’ils sont imperceptibles pour la personne. Alors elle expérimente des événements, des intentions, des pensées, des sensations autres que celles de l‘histoire dominante et problématique. Elle perçoit alors ce qui était problématique sous un nouvel angle qui permet de dépasser la problématique.
L’approche narrative repose sur une éthique relationnelle. Elle considère que les récits n’ont de sens que dans un contexte d’écoute, de dialogue et de co-construction. Le praticien ne se place pas en position de maître du sens, mais comme facilitateur d’histoires possibles. Cette éthique engage à reconnaître la pluralité des voix, à résister aux discours hégémoniques et à favoriser l’émergence de récits émancipateurs. Elle rejoint en cela les préoccupations de penseurs comme Paul Ricoeur, pour qui « se raconter, c’est déjà commencer à se libérer ».
=> Voici trois étapes utiles pour tracer ce passage entre les histoires :
(1) reconnaître l’histoire habituelle – et comment elle laisse peu de place au matériel non scénarisé.
(2) cultiver la capacité imaginative de créer une nouvelle histoire suffisamment grande pour inclure le matériel non scénarisé.
(3) essayer provisoirement la nouvelle histoire dans la vie quotidienne – une gamme élargie de sentiments, de pensées, de perceptions et d’actions.
On peut imaginer métaphoriquement cette thérapie centrée sur l’histoire comme une chenille-chrysalide-papillon. Le cabinet de consultation comme un cocon dans lequel peut s’effectuer le lent et vulnérable travail de métamorphose. Un lieu protégé où la vie limitée des chenilles a la chance de se figer, de se reformer et de se renforcer en une vie de papillon expansive. Ici, le vrai travail de thérapie n’est pas avec des interprétations, mais dans une culture de la liberté imaginative d’essayer de nouveaux rôles et histoires.
Pour approfondir la théorie :
Il existe trois dimensions qui permettent une narration interne cohérente, complexe et multiple (Gonçalves, 2002) :
Structure narrative : construction du sens de nos propres expériences grâce à un processus de connexions par le biais des différents épisodes narratifs de nos vies. La structure est constituée de :
- Un début, qui est le point de départ de notre histoire. Nous pouvons prendre l’exemple d’une personne qui vient en consultation pour la première fois et signale qu’elle ne sait pas par où commencer. Une des réponses du thérapeute pourrait être « Par le début » ou « Par le moment qui est pour vous le plus facile pour commencer à expliquer votre histoire » (ce moment sera le début).
- Un développement de l’histoire. Il inclut les événements concrets, les réponses internes, les objectifs des protagonistes, les actions qui se transforment, la cause et l’effet, et enfin, le contexte.
- Un final, qui se prend en compte lorsque le thérapeute obtient des résultats déterminés et/ou la fin du récit.
Processus narratif : il est en relation avec la façon d’expliquer nos vies, c’est-à-dire le ton que nous employons (par exemple, d’engagement dramatique).
Contenu narratif : il se réfère à la diversité et multiplicité de la production narrative, les thèmes ou trames que nous évoquons, en tombant parfois sur le « disque rayé » ou le refoulement de vieux thèmes non résolus.
Ressources pour se connaître soi-même :
- Histoires de vie : ce sont des récits destinés à donner un sens ou à justifier une certaine vision des événements.
- Petit parcours sur soi-même : il s’agit d’imaginer et d’écrire une lettre à une personne avec qui nous n’avons pas communiqué depuis longtemps.
- Dix ans après : on effectue une description d’une projection de soi-même dix années plus tard physiquement, intérieurement, dans le travail, les relations et les passions.
- Préférences : penser et écrire nos préférences, pour nous réaffirmer et nous accorder le plaisir d’exprimer notre liberté par des choix qui nous sont propres.
- Espaces : diviser un quadrillage en différents espaces dédiés à chaque personne importante dans votre vie, les lieux les plus importants, les événements les plus joyeux, les sensations les plus agréables, les rêves les plus beaux et les amours qui vous ont rendu mature ou vous ont fait grandir.
- Je me rappelle… : la personne doit terminer cette phrase sans trop penser à la réponse. La phrase incomplète peut être réutilisée sans limites dans la mesure où elle permet d’explorer et de travailler.
- Aimer le mystère : il s’agit de chercher en notre intérieur ces questions qui restent sans réponse.
Pour approfondir la question :