De nombreuses voix s’élèvent pour dépasser le dualisme nature/culture, l’idée d’une nature-objet-ressource et le paradigme dominant de l’anthropocentrisme ; il s’agit de reconnaître une valeur intrinsèque, et donc des droits, à la nature, qui devient désormais sujet. En invitant l’homme à renouer avec son milieu de vie non-humain et à réhabiter la Terre, en communion avec elle et non contre elle, un certain nombre d’intellectuels et d’écologistes militants semblent vouloir intégrer une dimension spirituelle dans l’écologie.
Pour Michel Maxime Egger, auteur de deux ouvrages sur l’écospiritualité, les écogestes, ainsi que les réformes politiques et économiques sont nécessaires. Mais l’auteur nous invite à aller plus loin : «Les racines des problèmes écologiques et socio-économiques sont spirituelles. Elles manifestent une crise généralisée du sens et du lien». Nos actions doivent se fonder sur une écologie intérieure. Celle-ci implique une remise en question des valeurs de l’avoir et appelle à enraciner nos vies sur des bases plus nobles. Ce n’est qu’à cette condition qu’un réel changement de paradigme serait possible.
L’écospiritualité permet de sortir du registre de l’écologie politique. Cette dernière situe le problème de l’écologie dans les méthodes de production capitaliste et dans les rapports de pouvoir Nord-Sud. Plus proche du quotidien, l’écospiritualité permet d’impliquer concrètement chaque personne ordinaire dans le virage écologique. Il s’agit d’une prise de conscience et d’une manière de penser à la fois philosophique et théologique. La crise écologique est reliée à un changement existentiel profond. L’écospiritualité invite à réorienter le sens de la vie humaine en la rapprochant des rythmes de la nature.
L’écospiritualité répond donc à un besoin d’engagement individuel ?
Le discours de l’écospiritualité permet en effet de sortir du sentiment d’impuissance fréquemment ressenti face au désastre écologique planétaire. Même si nous ne savons pas exactement si cela est utile ou non, manger bio et acheter localement ne nous fait pas de mal. Ces attitudes nous rassurent et nous permettent de donner une réponse simple et pratique à un phénomène perçu comme trop complexe à large échelle.
Quel rôle joue cette composante émotionnelle ?
L’écospiritualité ne se situe pas d’abord dans le registre de la rationalité, mais concerne plutôt le récit de soi, la métaphore, le ressenti et l’émotionnel. Suivant le type de contact qu’elles proposent avec la nature, les pratiques d’écospiritualité peuvent d’ailleurs susciter des expériences surprenantes ou inattendues. La tendance à idéaliser la nature peut avoir des conséquences paradoxales. En effet, la nature n’est pas toujours rassurante. Elle peut aussi être violente et nous confronter aux limites de notre corps. Aux côtés de ces dimensions émotionnelles, l’écospiritualité s’appuie aussi sur des données de type scientifique, comme le réchauffement climatique et la perte de biodiversité.
L’homme, dit Egger dans « La terre comme soi-même », n’est pas seulement une entité morale, il est aussi un être spirituel; la crise écologique ne questionne pas seulement ce que nous faisons, elle interroge aussi ce que nous sommes : « L’enjeu n’est pas uniquement la survie de la planète et de l’espèce humaine, mais le sens même de la vie ». Egger vise une « nouvelle alliance entre l’être humain et la nature ». Au lieu du « penser globalement, agir localement », il propose d’« agir personnellement, c’est-à-dire comme une ‘personne’, un être en quête d’unité intérieure et de communion avec autrui et toute la création ».