Se reconnecter à la beauté du monde, contempler, méditer, planter… Voici des expériences sensorielles et spirituelles à vivre à la campagne ou en ville pour faire le plein de nature.
Les scientifiques, les psychologues et les chercheurs contemporains en sont de plus en plus convaincus que dans la nature est « le sol nourrissant de l’âme ». La nature, expliquent-ils, n’est jamais aussi bonne que quand nous en faisons charnellement l’expérience. Il est reconnu scientifiquement que la nature apporte un bien-être physique et psychologique. Une simple balade dans la forêt est déjà bénéfique : nos défenses immunitaires augmentent, notre anxiété diminue. A l’inverse, le manque de nature affecte durablement notre organisme et notre esprit. C’est ce que nous appelons aujourd’hui, « le syndrome du manque de nature» (Louv R., « Last Child in the woods: saving our children from nature-deficit disorder »): perte de l’attention et de la concentration, stress, maladies. Le fait d’être physiquement au contact de la nature décuple ses effets bénéfiques : les couleurs, les odeurs d’humus, le bruit des oiseaux, le craquement des feuilles, le bruit du vent dans les arbres dont on peut toucher l’écorce… » Pas besoin de quelque chose de spectaculaire, plutôt de moments sensoriels qui s’inscrivent durablement en nous et vont produire des effets aussi variés que puissants.
Dans la nature :
(S’)écouter et parler
Pourquoi ne pas laisser la nature venir vers nous ? « Je recommande de pénétrer le paysage très lentement, dans une grande attention à tout ce qui se passe, préconise Michel Maxime Egger. Nous pouvons partir avec quelqu’un qui nous dit : “Décris-moi ce que tu vois.” Nous nous apercevrons alors que tout ce que notre œil observe est hallucinant. La description de ces détails nous permettra de prendre conscience de ce que cela provoque en nous. » Car ce qui compte, souligne Alix Cosquer, chercheuse en psychologie environnementale, ce n’est pas seulement de vivre l’expérience. C’est le récit que nous en faisons, le retour sur soi. « Il s’agit de ne pas juste vivre, mais d’exprimer des émotions. Ce retour verbal sur ce qui est vécu contribue au développement de la sensibilité et aux apprentissages chez les enfants », complète-t-elle. Pour cela, Bill Plotkin, figure américaine de l’écopsychologie, cité par Michel Maxime Egger, propose de se dire : « Ce n’est pas moi qui observe les arbres, les fleurs, les animaux ; ce sont eux qui m’observent ! Ils disposent de leur système sensoriel, de leur intelligence et ont une forme de conscience. Ils sont attentifs à la manière dont je les approche, les regarde. Ils sont curieux de cette espèce humaine. »
L’eau est une porte. Le vent, la pluie, la nuit, la neige, les pierres sont aussi des portes. Par n’importe laquelle de ces portes tu peux entrer dans la paix.
Rever avec l’eau
Nous en sommes constitués à 70 % en moyenne. Si l’eau, quand elle prend la forme de torrents, de cascades, produit un effet purifiant et nettoyant, elle permet aussi d’entrer en contemplation, de méditer en se laissant envahir par les sonorités qu’elle dégage. C’est par exemple le cas avec le takigyo, pratique japonaise qui consiste à méditer assis sous une cascade. « Nous pouvons nous asseoir ou nous allonger au bord d’une rivière, d’un lac, de la mer, et imaginer l’eau, suggère Michel Maxime Egger. C’est comme si son flux était celui du sang dans nos veines. Une interpénétration très profonde se produit à travers le son. Un imaginaire lié à l’inconscient, aux archétypes jungiens, va surgir, nous rappeler que la nature n’est pas juste à l’extérieur de nous. Elle est autour de nous et en nous parce que nous en faisons partie. »
Contempler les étoiles
Loin de la pollution lumineuse des villes, la contemplation des étoiles est l’une des expériences les plus océaniques qui soit, l’occasion de se sentir en communion avec l’univers. Le professeur Miyazaki, de l’université de Chiba, près de Tokyo, conseille de s’allonger tout simplement sur un tapis ou dans un hamac, de scruter le ciel et de repérer les étoiles filantes. « Selon des chercheurs de l’université de Californie à Irvine, la sensation d’émerveillement aide à se détacher de ses problèmes personnels et favorise les liens de coopération avec les autres », rappelle l’auteur de Shinrin Yoku .
Il n’y a pas que la Terre qui sache se laisser emporter dans une danse de cyclone. Il n’y a pas que les planètes qui sachent tourner autour des soleils, nous savons aussi, nous, les gens. Nous le savons par parenté, par héritage intime. Nous le savons parce que nous sommes les enfants de la Terre, des planètes, des soleils.
En ville
Observer
« En ville, la nature est partout mais nous ne la voyons pas, s’amuse Anne-Caroline Prévot, biologiste de la conservation, directrice de recherche au CNRS et auteure, avec Cynthia Fleury, du Souci de la nature. Dans les squares, on peut s’allonger sur de l’herbe, et au pied des arbres, la vie fourmille. Laissez les enfants s’émerveiller avec une colonie d’insectes, des coccinelles qui s’envolent. » Alix Cosquer signale aussi la mise en place d’observatoires de la biodiversité sur le territoire national. De plus en plus nombreux, ils collectent des données recueillies par des volontaires et fournissent des informations essentielles aux scientifiques pour étudier les bouleversements climatiques, l’évolution de la faune et de la flore. Accessible sur le site du Muséum national d’histoire naturelle, ce programme lancé au départ pour suivre le comportement des oiseaux s’est élargi aux papillons, chauves-souris, escargots, libellules, insectes pollinisateurs, plantes sauvages des villes… « On y trouve des outils accessibles à tous qui permettent de reconnaître les espèces, détaille Alix Cosquer. Ils offrent une formidable ouverture. L’enfant, plongé très tôt dans le bain, prend conscience de l’interpénétration entre sa vie personnelle et la nature dans un cadre sécurisant, celui de sa maison, de sa famille et de ses amis. »
Qui se soucie de regarder un caillou ? On pousse devant soi quelques idées abstraites qu’on croit indiscutables. Un caillou ? C’est moins qu’une plante. C’est sans valeur. C’est chaotique. Et le passant va son chemin, cherchant un ami peut-être, ou le sens de la vie, ou la maison de Dieu. Tout était là pourtant, sur le bord de la route, dans ce morceau de roc effleuré d’un œil vague. Il aurait suffi de se pencher sur lui, et d’oser faire sa connaissance. Il aurait suffi de renoncer un instant à quelques certitudes, quelques suppositions. Il aurait suffi d’un peu d’oubli de soi, d’un rien d’amour.
Planter
« Le côté grandiose de la nature est moins saisissant en ville, mais les liens avec elle se nouent et s’approfondissent dans le contact régulier avec les éléments qui la constituent, rappelle Alix Cosquer. L’expérience répétée est donc beaucoup plus importante qu’une expérience ponctuelle dans un espace extraordinaire. Ce qui marque le plus psychiquement, ce sont les choses qui font partie de notre quotidien. S’intéresser à la nature ordinaire, proche de chez soi, voire chez soi, cela a vraiment du sens. » Les possibilités sont aussi simples que multiples et ludiques : faire germer des graines sur du coton – tout le monde a des lentilles dans ses placards –, faire pousser des carottes, un plant de tomate, de basilic, de menthe sur son balcon, faire quelques semis, regarder comment cela pousse. « Entrer dans cet émerveillement et parler aux plantes, car elles sont très sensibles à la manière dont nous nous adressons à elles », note Michel Maxime Egger.
Trouver son lieu
« La Nature est un temple », dit Baudelaire dans Les Fleurs du mal. Michel Maxime Egger partage cet avis. Il suggère d’élire un lieu de verdure, un arbre que l’on aime dans un parc ou un jardin, de s’y rendre régulièrement pour observer le changement des saisons, son évolution, et entretenir une relation particulière avec lui. « Il peut être dans le square d’à côté, dans la rue où vous habitez, dans un petit parc. Il suffit de lui rendre visite une dizaine de minutes, un quart d’heure régulièrement pour créer un lien, une connexion avec lui. Dans ce lieu que vous avez élu, vous pouvez créer de petits autels, des sortes de “Gaïa refuges”, au pied desquels vous déposez une brindille, une feuille, une pierre, une plume. Ces menus objets traduiront ce que vous ressentez, comme si cet endroit devenait celui où vous pouvez déposer vos préoccupations, vos joies, vos peines, puis en tirer du réconfort. » Un écho de soi-même « vaste comme la nuit et comme la clarté ».
La conscience carrée est très utile pour fabriquer des trains, des routes, des avions, des villes, des médicaments, des canapés, des systèmes increvables. Mais elle est ainsi faite qu’elle ne veut pas goûter, elle veut comprendre. Elle ne veut pas jouer, elle veut travailler. Elle ne veut pas de l’inexprimable, elle veut des preuves. Elle ne veut pas être libre, elle veut être sûre. Elle doit être respectée, elle a des droits, et des pouvoirs. Mais veille à ne pas lui laisser tous les droits, ni tous les pouvoirs. Veille à ce qu’une porte reste toujours ouverte dans un coin de ta conscience carrée. Il faut que tu puisses sortir dans le jardin.
Par :
Hélène Fresnel ; citations « les 7 plumes de l’aigle »