Le journaliste Rob Wijnberg explique que les nouvelles concernent toutes les choses sensationnelles , exceptionnelles , négatives et d’actualité. Cinq mots qui résument précisément le problème des informations. La nouvelle est un événement fou sans rapport les uns avec les autres
Parlons d’abord du sensationnel : les nouvelles sont souvent celles qui sont bouleversantes, scandaleuses ou assez effrayantes pour susciter des réactions. Elles se concentrent fréquemment sur ce qui est le plus visible, voire spectaculaire. Selon le journaliste au Guardian, Joris Luyendijk, les attentats terroristes sont souvent les sujets de discussion, mais pas les occupations de terres étrangères. Les attentats sont des événements bouleversants et remarquables, tandis que les occupations sont beaucoup moins visibles. En d’autres termes : filmer l’explosion d’un bus est facile, mais il est extrêmement difficile de filmer la suppression des libertés quotidiennes. Non seulement cela altère notre perception des autres êtres humains, mais les données nous font également oublier ce qui a de l’impact et ce qui n’a rien de remarquable. C’est la raison pour laquelle nous ne connaissons généralement des événements importants que lorsque quelque chose de très improbable se produit, des « cygnes noirs ».
Presque tout ce qui constitue une nouvelle doit être un événement récent. Cependant, ce qui est le plus récent n’est pas nécessairement ce qui exerce le plus d’impact. Étant donné que les médias mettent souvent l’accent sur le moment présent, ils nous rendent ignorant sur le long terme, que ce soit le passé ou l’avenir. Il n’est tout simplement pas naturel dans les formes et les rythmes des informations quotidiennes de nous informer sur les structures de pouvoir qui se sont développées au fil du temps, telles que les origines historiques du racisme, ou de nous informer sur les changements sociétaux progressifs, tels que la financiarisation de notre économie. C’est informations bien plus importantes, ne sont pas vu comme de l’actualité.
Différentes formes d’informations :
Spinoza a fait une différence intéressante entre la Révélation et l’Expression. Pour lui, une idée adéquate est une idée produite par la raison et qui correspond à la connaissance que j’ai de la nature réelle (une information en lien avec mon expérience). C’est ce qu’il nomme l’Expression. La Révélation est elle la réception passive d’une information extérieure. Je reçois une information déconnectée de mon expérience. De fait, dans la révélation, je suis agi par l’information, là où dans l’Expression (qu’on pourrait nommé connaissance), j’agis pour devenir acteur de ce que j’intègre, en lien avec ma réalité concrète.
Deleuze explique cela dans son ouvrage : “Spinoza et le problème de l’expression”. La Révélation est une information : des signes, des symboles, une information « hors sol » (non ancré dans le réel) et irrationnelle, car venant d’une révélation (une personne extérieure apporte l’information) et non d’une forme de déduction rationnelle. À l’inverse, l’Expression, ce qui va s’exprimer, est ce qui existe (en lien avec notre expérience) et qui demande une connaissance ou une reconnaissance.
On pourrait donc dire que pour Spinoza entre la production énorme de savoir actuel venant de la rationalité et la vie, il y a un gap important. Celui-ci est marqué par l’idée de Platon qui ne considère pas de lien harmonieux obligatoire entre le monde des idées et le monde vécu de la sensation. La rationalité qui demande une exigence de cohérence en sort très souvent le sensible, qui créé justement une faille sociale via l’imprévue, le réel. C’est à cause de cette recherche de cohérence absolue, construite de manière abstraite que cette information « hors sol » devient un cauchemar.
La nouvelle produit de l’impuissance
L’actualité est de loin la forme de journalisme la plus influente. La quantité qu’on en consomme est incroyable. Le résultat final de notre surconsommation d’informations – ou plus précisément de notre dépendance à l’information – est de nous faire craindre les autres, de nous poser des questions sur l’avenir et de nous poser des questions sur notre propre capacité à l’influencer. Au fur et à mesure, les nouvelles confirment nos préjugés les plus persistants et nos peurs les plus profondes. Elles suscitent notre pessimisme et notre méfiance. Elles nous font même souffrir. Ce qui manque dans tout cela, c’est la reconnaissance du contexte, des connaissances de base et de la compréhension systémique qui donne du poids et du sens aux faits et aux opinions individuelles.
Lorsqu’une personne vraiment bien informée se fait une opinion sur un sujet nouveau, elle ne se contente pas de traiter les nouvelles informations de manière isolée. Elle les analyse à travers un réseau complexe de connaissances préalables, en essayant de comprendre comment elles s’intègrent dans des systèmes et des structures plus vastes. Même si elle ne cite pas explicitement ce contexte dans son analyse, tout est là, agissant comme un système de freins et contrepoids sur les conclusions qu’elle tire. Mais lorsque vous absorbez l’opinion de quelqu’un d’autre sur un réseaux social ou un média d’actualité vous ne construisez pas toute cette matière noire intellectuelle. Vous obtenez simplement le produit final – une conclusion ou une opinion qui semble flotter dans l’espace, déconnectée de l’attraction gravitationnelle d’une compréhension plus profonde.
L’information ancré créé de l’action
Les sophistes ou démagogue (avec le storytelling) ne peut faire avaler n’importe quoi au peuple, car « le corps pense » via l’expérience du réel. Avec la correspondance entre corps et idée qui empêche le corps (l’émotion) de faire n’importe quoi. De la même manière que les idées ne peuvent avoir de sens hors du réel de l’individu. Une idée conceptuelle hors de l’expérience de l’individu créé de l’impuissance à agir, car non ancré dans la vie. À l’inverse, l’idée adéquate, le lien entre la connaissance et l’expérience produit l’action. Spinoza est un penseur de l’action, il réfléchit aux conditions qui déterminent l’action. Et pour lui, c’est la création d’une idée adéquate, parce qu’elle accompagne l’affect et le réel.
Sources :
les cours de Miguel Benasayag « comprendre et agir dans la complexité«
les informations le nouveau tabagisme
The Consequences of Reading Inaccurate Information
Is the news making us unhappy? The influence of daily news exposure on emotional states
Ouverture : un exemple sur notre compréhension du fonctionnement du cerveau. La simplification amène des incompréhensions.