Cet article s’appuie sur le travail de la psychologue Marilia Amorim qui fait l’hypothèse d’une mutation du discours qui affecterait les formes de savoir. En travaillant sur une pratique clinique et des recherches sur « les enfants de la rue » au Brésil. Elle s’est intéressée plus particulièrement aux trois grandes formes de savoir selon elle : Mytos, Logos et Mètis.
Le Mythos est un savoir narratif qui se construit habituellement dans le dialogue articulé entre trois places : je, tu et il. Dans ce type de savoir, ce qui est validé, c’est l’existence, qui s’oppose ainsi à l’oubli : est vrai ce qui se maintient comme raconté et transmis, ce qui n’a pas été oublié dans la mémoire collective. Parler, c’est ici faire exister. Le Mythos en ce sens fait lien social, création de collectif.
Le Logos est un savoir binaire entre je et il, qui doit exclure tout ce qui peut empêcher une communication de type univoque, précise. C’est en cela qu’il est un énoncé bien plus qu’une énonciation. Le Logos ne fait donc pas lien social. Ce qui valide ce savoir, c’est l’opposition du vrai et faux. Dans ce type de savoir, seul compte le point de vue de l’objet, les interlocuteurs ne sont là qu’à son service. La scène du Logos a besoin du maître et de l’élève pour pouvoir être démonstrative, elle a donc besoin de la scène du Mythos pour s’installer et exister.
La Mètis est un savoir pratique. Son paradigme, c’est celui du navigateur (Ulysse), du guerrier…. Avec la Mètis, nous ne sommes plus dans la sphère des vérités mais dans celle de la réussite, de l’efficacité. On n’est plus dans des rapports d’altérité, mais dans un rapport de Métamorphoses, où le sujet devient soit l’objet soit l’autre sujet qui est en face de lui. C’est un savoir de survie, qui efface la distinction des places, car avec la métamorphose et le retournement, les places ne se définissent plus, ne se fixent plus. C’est bien toute l’altérité qui est remise en question dans le savoir Mètis. Seul, importe qu’on réussisse au coup par coup, sous la pression de l’instant, dans la rapidité.
Conclusion :
Ce que M. Amorim soutient, c’est que la post-modernité semble investir davantage sous la forme Mètis, où « aucun régime de vérité ne s’impose plus, ni celui de l’aléthéia archaïque, ni celui de la science. C’est le critère d’efficacité qui serait ainsi devenu dominant et autonome. » Moyennant quoi, c’est bien vers une dilution de l’altérité que, selon cet auteur, nous nous dirigeons. Nous voyons ici comment le savoir Mètis est celui qui, hors lien social (Mythos) et hors rationalité (Logos), peut continuer sa course, même si le fait de se couper des deux autres savoirs est tout à fait problématique. Il est donc important pour le collectif et pour l’être individuel, de retrouver un équilibre entre ses différents discours pour un apaisement psychique.
Par : J.P. Lebrun
Pour aller plus loin : M. Amorim, « raconter, démontrer….survivre » édition Erès 2007