Certaines personnes avancent dans la vie avec une grande maîtrise. Elles font les choses avec sérieux, réfléchissent avant d’agir, et assument leurs responsabilités sans jamais se laisser aller. Cette rigueur, cette fiabilité, sont souvent perçues comme des qualités, et elles le sont réellement. Elles permettent d’affronter les épreuves, de garder le cap dans la tempête, de tenir quand tout vacille autour.
Mais, parfois, cette même force se transforme en tension. À force de chercher à bien faire, à rester calme et à tout contrôler, la personne se coupe peu à peu de ses émotions, de sa spontanéité, voire de ses besoins les plus profonds. Le contrôle, au départ protecteur, devient un mode de vie. Il rassure, mais il isole. Il évite le chaos, mais il étouffe la vitalité. Derrière l’apparente solidité, il y a souvent une grande fatigue, une impression de distance intérieure et un besoin silencieux de respirer à nouveau.
Quand le contrôle devient une armure
Le contrôle est une stratégie d’adaptation puissante. Il aide à se protéger de l’imprévisible, du rejet ou de la perte de maîtrise. Il naît souvent d’une expérience de vie où l’on a dû “tenir” face à la peur, à l’instabilité ou à la critique. Peu à peu, il devient une manière d’exister : ne pas déranger, ne pas faillir, ne pas se laisser dépasser. Cependant, lorsqu’il devient excessif, ce contrôle permanent finit par enfermer. L’émotion est perçue comme une menace, l’imprévu comme un danger, la spontanéité comme une faute. On s’efforce d’être impeccable, mais on perd le goût du simple, du vivant. Les relations deviennent plus formelles, la joie se fait discrète, la tendresse parfois difficile à recevoir. L’équilibre semble assuré en surface, mais la vie intérieure s’appauvrit. C’est à ce moment que la TCD-RO (Thérapie Comportementale Dialectique – Ouverture Radicale) trouve tout son sens : elle aide à réconcilier le besoin de stabilité avec le désir d’authenticité. Elle ne cherche pas à briser le contrôle, mais à en assouplir les contours pour laisser passer la vie.
Une thérapie pour ceux qui “tiennent trop bien”
L’approche repose sur une idée centrale : il existe deux grandes manières de souffrir. Certaines personnes souffrent de trop d’émotion, d’autres de trop de contrôle. Les premières ont besoin d’apprendre à se calmer ; les secondes, à s’ouvrir. La TCD-RO s’adresse à ces dernières, celles qui ont construit leur survie autour de la maîtrise, mais qui en payent aujourd’hui le prix par une forme de solitude, d’inhibition ou d’épuisement. L’objectif n’est donc pas de “lâcher prise” sans discernement, mais de retrouver de la flexibilité émotionnelle, de la vitalité et une présence plus vivante dans les relations. C’est un chemin vers une liberté intérieure, pas un abandon du contrôle.
L’ouverture radicale : un apprentissage du vivant
Le terme “ouverture radicale” peut surprendre. Il ne s’agit pas d’un acte spectaculaire, ni d’une exposition brutale à la souffrance. “Radical” renvoie ici à la racine : revenir à ce qui est fondamentalement humain. S’ouvrir radicalement, c’est apprendre à accueillir ce que la vie présente, même quand cela déstabilise. C’est reconnaître ses émotions sans chercher à les supprimer. C’est accepter que la vulnérabilité fasse partie de la force, et que l’incertitude soit une condition du vivant. Dans la pratique, cela signifie réapprendre à faire confiance à l’expérience directe : écouter ce que l’on ressent, observer sans juger, être curieux de ce qui émerge. La TCD-RO invite à explorer ce qui se passe en soi avec bienveillance, plutôt que de chercher à tout analyser ou maîtriser. L’idée n’est pas de renoncer à la raison, mais de lui redonner un allié : le ressenti.
Un travail d’assouplissement et de réconciliation
La thérapie s’engage comme un travail de finesse. Ensemble, thérapeute et patient explorent les mécanismes de surcontrôle : la peur du jugement, l’hypervigilance, le perfectionnisme, l’habitude de cacher ses émotions. Ces comportements sont considérés non comme des défauts, mais comme des stratégies de survie qui ont eu, un temps, une réelle utilité. Le travail thérapeutique vise à honorer cette fonction protectrice tout en ouvrant la possibilité d’autres manières d’être. Progressivement, la personne expérimente des formes d’expression plus libres : dire ce qu’elle ressent, se tromper sans panique, demander de l’aide, ou simplement se montrer plus spontanée. Chaque petit pas vers la vulnérabilité est un pas vers la liberté. On découvre que montrer une émotion n’éloigne pas les autres, mais crée souvent du lien. On réalise que l’imprévu n’est pas toujours une menace, qu’il peut aussi être une rencontre, une surprise, un espace d’évolution.
Une présence plus vivante
La TCD-RO intègre des outils issus de la pleine conscience, du comportementalisme et de la psychologie des émotions. On y apprend à prêter attention au corps, aux signaux émotionnels, à la respiration. On travaille aussi la curiosité sociale : apprendre à observer l’autre sans filtre, à se laisser toucher, à retrouver le plaisir d’être en relation sans chercher à “bien faire”. Peu à peu, le contrôle se transforme : il ne disparaît pas, mais devient ajusté. On peut choisir quand être rigoureux et quand se relâcher. On devient capable d’accueillir ce qui survient sans s’y perdre. La personne retrouve un sentiment d’équilibre dynamique, où la maîtrise et la spontanéité cohabitent enfin.
Une thérapie de la liberté intérieure
Les personnes qui s’engagent dans cette approche décrivent souvent une transformation progressive. La fatigue se fait moindre, les émotions retrouvent leur couleur, les relations deviennent plus profondes. Ce qui était figé reprend vie. L’espace intérieur s’élargit, laissant la place à la chaleur, à la créativité, à la joie simple d’exister. La TCD-RO s’adresse à celles et ceux qui se sont longtemps efforcés de “tenir bon”, souvent au prix d’une grande solitude émotionnelle. Elle leur propose un autre chemin : celui de la souplesse, de la présence et de la confiance. Ce n’est pas une thérapie du “laisser-aller”, mais une thérapie du laisser-être. Elle enseigne que le contrôle n’est pas une erreur, mais qu’il a besoin d’espace pour respirer. Elle invite à faire la paix avec soi-même, à accueillir les imperfections comme la preuve d’une humanité vivante.
En conclusion
La TCD-RO est une thérapie de la réconciliation intérieure. Elle aide à passer d’une vie tenue par la peur de perdre le contrôle à une vie animée par la confiance dans le mouvement. Elle ne cherche pas à retirer la structure, mais à y insuffler de la liberté. Elle ne demande pas de renoncer à sa force, mais d’y ajouter de la douceur. C’est un accompagnement pour celles et ceux qui ont beaucoup donné, beaucoup contenu, beaucoup tenu, et qui aspirent désormais à retrouver la légèreté d’être, la chaleur du lien et la simplicité du vivant.
Exercices pratiques :
L’auto-expérimentation cognitive
Objectif : Observer tes propres biais “en action”.
Exercice de terrain :
- Pendant une journée, remarque à chaque fois que tu penses :
- “Je savais bien que…” → biais de confirmation.
- “C’est évident…” → biais de familiarité.
- “Ça ne peut pas être vrai…” → biais de rejet de l’inconfort.
- Ne cherche pas à les corriger : observe juste la fréquence et le contexte.
- En fin de journée, écris une phrase :
“Aujourd’hui, j’ai vu mon mental vouloir avoir raison à tel moment, et j’ai respiré à la place.”
L’auto-enquête des certitudes
Objectif : Identifier les zones où tu crois “savoir” et où tu n’écoutes plus.
Exercice :
- Note 3 affirmations que tu considères comme évidentes (ex. : “les gens riches sont égoïstes”, “la politique, c’est tous des menteurs”, “je suis nul en maths”).
- Pour chacune :
- Écris : “Et si le contraire était vrai, que verrais-je ?”
- Cherche une seule observation ou un contre-exemple réel qui invalide ou nuance ton affirmation.
- Observe la résistance intérieure : où ressens-tu du rejet, de la gêne, de la colère ?
Variante rapide : fais-le à chaque fois que tu dis “toujours” ou “jamais”.
Variante rapide (face au jugement rapide que je peux créer) : “Et si cette personne n’avait pas tort à 100 % ? Qu’est-ce que je pourrais apprendre d’elle ?”
La cartographie des angles morts
Objectif : Prendre conscience des contextes qui limitent ta perception.
Exercice :
- Liste les sources principales de ton information (réseaux, médias, amis, auteurs…).
- Trace un cercle autour de toi et place-les dedans, selon leur proximité.
- Puis demande-toi :
- Qui ou quoi n’est jamais représenté dans ce cercle ?
- Quels types d’expériences humaines n’y apparaissent pas ?
- Quelles émotions ces “absents” provoquent en moi ?
- Identifie une seule source alternative à explorer cette semaine.
Le journal de déstabilisation
Objectif : Apprendre à accueillir la dissonance cognitive.
Exercice quotidien :
- Chaque soir, note une idée, image ou situation qui t’a dérangé, fait douter, ou surpris.
- Écris en 3 colonnes :
- Ce que j’ai ressenti (émotion brute).
- Ce que cela remet en question chez moi.
- Ce que j’aimerais comprendre plutôt que juger.
- Observe au fil des jours si ta tolérance à l’inconfort grandit.
