Comprendre nos émotions (analyse cognitive)

Comprendre nos émotions (analyse cognitive)

Il est important ici de bien distinguer l’occasion de la cause si on veut comprendre d’où viennent les émotions. Une occasion est une circonstance de laquelle résultera (ou non) une interprétation (ou pensée, perception, conception, croyance) qui à son tour suscitera une émotion et/ou un comportement.

Donc les émotions des êtres humains résultent avant tout de leurs interprétations (pensées, perceptions, conceptions) plutôt que des événements.

 

Bienvenue dans la famille : Anxiété

Débutons tout de suite par un exercice. Dans le tableau suivant, vous trouverez plusieurs situations dans lesquelles certaines pensées sont à l’origine d’une émotion appartenant à la famille de l’anxiété.

 Pour chacune de ces situations, nous indiquons l’événement déclencheur, les pensées qui en résultent puis l’émotion ressentie. Après avoir bien pris connaissance des pensées générées par chacune de ces situations demandez-vous ce qu’elles ont de semblable ou quelle idée elles partagent en commun.

Situations dans lesquelles des pensées provoquent de l’anxiété

Avez-vous identifié le type de pensées qui provoque des émotions de la famille de l’anxiété? Si vous vous êtes dit qu’il s’agit de pensées concernant l’avenir ou plus précisément de l’anticipation d’un événement menaçant, c’est exact. En fait, qu’elle soit fonctionnelle ou dysfonctionnelle, l’anxiété provient presque toujours de deux idées principales :

  • « Un danger me menace… » Ce danger concerne un avenir immédiat ou éloigné ; il peut s’agir d’une perte matérielle, d’une souffrance physique ou psychique, d’un rejet ou d’une dévalorisation, ou d’autres formes de danger.
  • « …que je ne pourrai éviter. ». Si on pense pouvoir éviter ou maîtriser facilement un danger, il n’y aura pas d’anxiété. Cette émotion apparaît à partir du moment où on commence à croire à l’éventualité du danger, et plus cette éventualité devient une probabilité ou une certitude, plus l’anxiété augmente.

Exemple : Isabelle se promène sur le trottoir et aperçoit deux gros chiens Doberman gardés en laisse par leur maître. Elle n’est pas anxieuse parce que, même si elle a généralement peur des chiens, et elle rassurée par le fait que les Doberman sont gardés en laisse (« Je peux éviter le danger »). Toutefois, le maître décide de laisser courir librement ses chiens et les détache. Isabelle devient immédiatement anxieuse et son anxiété augmente lorsque les chiens se dirigent vers elle (« Je crains de ne pouvoir éviter le danger qui est de me faire mordre par ces chiens »).

L’anxiété est une réaction normale face à un danger imminent. Elle est alors fonctionnelle, comme c’est souvent le cas dans notre vie quotidienne, parce qu’elle sert de signal d’alarme et nous permet d’éviter les conséquences néfastes d’une situation réellement dangereuse.

Mais elle peut devenir dysfonctionnelle ou inappropriée sous l’effet de divers facteurs comme de mauvaises informations ou des croyances fausses comme nous le verrons un peu plus loin. C’est dans des situations de ce genre qu’il devient indiqué de la diminuer pour éviter ses conséquences néfastes, c’est-à-dire la souffrance ou les comportements dysfonctionnels qui en résultent.

 

LA FAMILLE DE L’HOSTILITÉ

Reprenons le même exercice avec la famille de l’hostilité. Le tableau suivant contient une fois de plus différentes situations mais dans lesquelles l’émotion générée appartient cette fois à la famille de l’hostilité. Comme pour l’anxiété, nous indiquons pour chacune de ces situations l’événement déclencheur, les pensées qui en résultent puis l’émotion ressentie.

À nouveau, après avoir pris connaissance des pensées résultant de chacune de ces situations, demandez-vous quelle idée ces pensées ont en commun. Pensez-y bien et faites au moins une hypothèse.

Situations dans lesquelles des pensées provoquent de l’hostilité

Voyons maintenant si votre hypothèse est exacte. En fait, l’hostilité est basée sur une idée principale :

  • « Cette personne (ou autre) aurait du faire ce qu’elle n’a pas fait ou n’aurait pas du faire ce qu’elle a fait. »

On voit ici que l’hostilité résulte essentiellement de l’exigence (ou de la loi ou de la règle) formulée par une personne voulant que la réalité soit différente de ce qu’elle est. Cette réalité (dont découle l’exigence) peut prendre la forme d’une action ou d’une attitude d’un individu (comme un conjoint, un associé ou un collègue), d’une institution (comme un gouvernement, une corporation ou une religion), d’un objet (comme une tondeuse à gazon qui refuse de partir) ou encore de toute chose qui ne convient pas à la personne et dont elle rend Dieu, le destin ou le mauvais sort responsables (comme une maladie, un accident ou une météo défavorable). Dans nos exemples ci-dessus, la mère exige que son fils tienne sa chambre à l’ordre, l’employée exige que son directeur fasse plus attention à elle, le client exige que sa compagnie de téléphone soit plus raisonnable dans ses profits et la personne en vacances exige d’avoir du beau temps. On constate donc que l’idée responsable de l’hostilité provient de l’exigence de la personne face au monde extérieur et que ce type d’émotion apparaît lorsque cette exigence n’est pas satisfaite.

L’hostilité est une émotion parfois appropriée mais souvent inappropriée. Tout dépend de la façon de voir (ou de la perception) de celui qui évalue, que ce soit la personne hostile ou une autre qui l’observe de l’extérieur. Une chose est certaine : plus l’exigence dont elle origine est intense et rigide, plus l’hostilité risque d’être nuisible.

Ajoutons ici que les différents termes utilisés pour nommer l’hostilité appartiennent à deux catégories. Dans la première, on trouve une forme d’hostilité survenant surtout « à chaud », à la suite d’un événement spécifique dont les manifestations sont, le plus souvent, transitoires. Si on classe par ordre d’intensité les termes servant à la nommer, en commençant par le terme désignant l’hostilité la plus légère, on aura la gradation suivante : impatience, légère irritation, forte irritation, colère et rage. La seconde catégorie réfère à un type d’hostilité se manifestant « à froid » et s’inscrivant dans la durée. C’est le cas de la haine et de la rancune, accompagnées ou non d’un désir de vengeance.

 

 

LA FAMILLE DE LA CULPABILITÉ

Continuons notre exploration des pensées à l’origine des émotions en nous intéressant à la famille suivante qui est celle de la culpabilité. Vous trouverez à nouveau ci-dessous un tableau contenant des situations à l’origine de ce groupe d’émotion. Lisez-les attentivement puis demandez-vous quelle idée ont en commun les pensées retrouvées dans chacune de ces situations.

Situations dans lesquelles des pensées provoquent de la culpabilité

Quel est donc le type de pensées qui provoque de la culpabilité ? Peut-être avez-vous constaté que ces pensées sont semblables à celles dont découle l’hostilité, mais avec cette différence que dans la culpabilité, l’hostilité est tournée cette fois contre soi et non contre autrui. C’est pourquoi on retrouve toujours à l’origine de la culpabilité l’idée suivante :

  • « J’aurais dû faire ce que je n’ai pas fait ou je n’aurais pas dû faire ce que j’ai fait. » : Comme dans l’hostilité, on constate ici la présence d’une exigence (ou d’une loi ou d’une règle), mais qui s’applique cette fois à l’individu qui se sent coupable plutôt qu’à autrui. Dans nos exemples, la mère exige d’elle-même d’être plus patiente et plus disponible pour son fils, l’employée exige d’elle-même d’être plus à la hauteur dans son emploi face à son patron et aux autres employés et la personne responsable d’un accident exige d’elle-même de toujours conduire parfaitement son véhicule. On constate donc que l’idée responsable de la culpabilité exprime à nouveau une exigence mais non plus face à autrui comme dans l’hostilité mais plutôt face à soi-même.

La culpabilité est utile lorsqu’elle nous permet de prendre conscience de nos fautes ou de nos erreurs et de les corriger. Mais elle devient fréquemment dysfonctionnelle et c’est alors qu’il est souhaitable de l’atténuer ou, si possible, de la faire disparaître si on veut soulager la souffrance qu’elle provoque.

L’auto dévalorisation et la honte

Les pensées à l’origine de l’auto dévalorisation et de la honte sont en partie semblables à celles présentes dans la culpabilité. Dans les deux cas, on retrouve une exigence face à soi-même : « J’aurais dû faire ce que je n’ai pas fait ou je n’aurais pas dû faire ce que j’ai fait. » C’est la raison pour laquelle on les associe fréquemment au groupe des émotions liées à la culpabilité.

Ce qui distingue l’auto dévalorisation de la culpabilité, c’est l’ajout d’un jugement sur sa valeur personnelle : « Je n’aurais pas dû faire ceci ou cela et puisque je l’ai fait, ma valeur personnelle baisse ou est nulle. »

La honte est voisine de l’auto dévalorisation, sauf que, dans le cas de l’auto dévalorisation, la personne se juge elle-même sévèrement tandis que, dans le cas de la honte, elle redoute d’être sévèrement jugée par autrui : « « Je n’aurais pas dû faire ceci ou cela et puisque je l’ai fait, ma valeur personnelle baisse ou est nulle aux yeux d’autrui. » Cette pensée est généralement complétée par une autre pensée : « Par conséquent, j’ai l’air d’un incompétent ou je me ridiculise… et j’ai honte. »

Il va de soi que l’intensité de la honte est proportionnelle à l’importance que l’individu accorde à l’évaluation d’autrui. Plus cette importance grandit, plus son exigence risque de devenir dysfonctionnelle et plus la personne est susceptible d’éprouver de la honte.

 

 

LA FAMILLE DE LA TRISTESSE

Nous arrivons finalement à notre dernière famille qui est celle de la tristesse.

À nouveau, lisez-les attentivement puis demandez-vous quelle idée ont en commun les pensées retrouvées dans chacune de ces situations.

Situations dans lesquelles des pensées provoquent de la tristesse

Selon vous, quel type de pensées provoque de la tristesse ? Vous avez peut-être remarqué qu’à chaque fois, les évènements (qu’ils soient passés, présents ou futurs) sont interprétés comme étant difficiles, négatifs ou pénibles. Ceci nous conduit à l’idée à l’origine de la tristesse qui peut se formuler ainsi « Ce qui arrive (ou est arrivé ou va arriver) est mauvais pour moi. »

On peut ajouter ici : « Si ce qui arrive, est arrivé ou va arriver est mauvais pour une personne que j’aime et à laquelle je veux du bien, c’est également mauvais pour moi. » Évidemment, l’élément à l’origine de la tristesse n’est pas nécessairement une personne ; il peut s’agir, par exemple, d’un objet, d’un animal, d’une organisation ou d’une idéologie.

La vie n’est pas toujours facile ! C’est pourquoi la tristesse est souvent compréhensible et appropriée. Mais si elle devient trop intense, trop fréquente ou si elle dure trop longtemps compte tenu des circonstances, elle peut devenir dysfonctionnelle comme c’est le cas pour les autres familles d’émotions. Par exemple, la tristesse de la personne qui vient de perdre un être cher est probablement fonctionnelle tandis que celle de la personne qui se désespère après avoir reçu une facture imprévue semble dysfonctionnelle à première vue. Pour terminer sur la tristesse, revenez sur le tableau précédent et identifiez bien l’aspect triste ou pénible dans chacun des exemples.

 

Résumés : 

 

 

Vous trouverez ici des exercices pour apprendre à apaiser vos émotions 

 

source : Louis Chaloult, Jean Goulet, Thanh-Lan Ngô et Guillaume Chaloult

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