Découverte : le neo-chamanisme rencontre la psychologie et la science

Découverte : le neo-chamanisme rencontre la psychologie et la science

Le néo chamanisme est un renouveau du chamanisme traditionnel, notamment en Occident où il n’a jamais existé. De plus en plus de personnes, cherchant un autre chemin que celui qui nous est offert aujourd’hui dans la société, découvrent le chamanisme et sont séduits par cette démarche personnelle, qui est une voie vers la guérison, vers l’harmonie et le bien-être, individuel et collectif.

 

Le chaman : un Guérisseur ?

Traditionnellement, le chaman représente un individu charismatique qui réunit en lui les fonctions du chanteur magique, du devin, du prêtre, du sage et du guérisseur en général. Après avoir été choisi et avoir subi une initiation en plusieurs étapes, le chaman représente en public, en recourant à des techniques d’extase et en s’accompagnant de tambour, la façon dont il part en voyage dans l’au-delà, pour le bien et le salut non seulement de l’individu, mais aussi de la communauté tout entière. Chaman est un néologisme occidental qui désigne les « hommes-médecines » de traditions diverses utilisant des techniques semblables. La spécificité du chamanisme est : des accompagnements avec utilisation de transe ou d’état altéré de conscience. Les références puisent dans la sagesse animiste des peuples autochtones. Elles s’expriment sous formes diverses, plus ou moins authentique ou bricolées. Avec le risque d’une idéalisation romantico-nostalgique des peuples premiers, d’une dénaturation des cultures indigènes et d’une croyance illusoire dans l’appropriation de leur sagesse par l’Occident. En Occident, de nos jours, un chamane n’est pas un guérisseur, mais un intermédiaire qui permet la guérison symbolique/ psychique. Les déchirures, les pertes, etc., sont le résultat des déséquilibres psychiques et physiques que le chaman va guérir en rétablissant l’intégrité de l’âme du patient. Il n’y aura pas d’application chamanique pour une blessure physique (entorse…) grâce à l’outil qu’est la transe.

 

On parle de « néo-chamanisme » dans des tentatives modernes :
– de moderniser ou rénover des voies chamaniques traditionnelles
– d’apporter des éléments chamaniques à des techniques modernes
– de syncrétisme entre des traditions chamaniques et non chamaniques.

Principales problématiques prisent en compte dans la vision néo-chamaniques via la transe :

 

Avoir été déserté par son ciel : 

Les esprits qu’on aurait dû consulter ou écouter, sont délaissés (car on est égocentré ou enfermé sur nous même), ce qui les fait partir. On perd alors une vision globale sur les situations qui nous arrivent. Ne respectant pas « le vivant » celui-ci nous laisse et crée un sentiment profond de solitude. (Cause principale : disharmonie avec le vivant). 

Avoir vécu une perte d’âme :

La perte d’âme est un mécanisme de survie. Pour se protéger d’un choc émotionnel ou physique intense, notre âme se fragmente et libère la partie touchée qui quitte notre corps. Les pertes d’âme sont courantes et peuvent être significatives au point où une personne ressent l’impression de ne plus vraiment habiter son corps (ex: viol sexuel). Ainsi, le recouvrement d’âme permet de réunir tous ses petits bouts de soi que l’on a abandonnés en chemin. Un recouvrement d’âme peut être intense, voire déroutant. Se retrouver soi-même peut prendre quelque temps. À savoir que ce n’est pas le chaman qui décide du morceau d’âme à rapporter, mais l’esprit (ou l’inconscient collectif du patient qui indique quelle partie est prête à réintégrer son corps).

Cartographie chamanique

Monde d’en haut

 C’est le lieu de résidence de nos esprits gardiens, des anges, des saints. Les esprits rencontrés sont bienveillants, compassionnels et agiront en notre faveur. Dans le monde d’en haut, les espaces sont ouverts, immenses voir infinis. Les couleurs sont vécues, lumineuses voir scintillantes. C’est un peu l’équivalent du paradis judéo-chrétien. 

 

Monde d’en bas

 La géographie des lieux ressemble à notre monde du milieu : des paysages naturels et Terriens. Ils sont peuples d’animaux planétaires, de légendes ou mythologiques. C’est le lieu de résidence de nos animaux de pouvoir. Le monde d’en bas n’est absolument pas associé à quelque chose de mauvais ou diabolique. Les esprits y sont bienveillants et compassionnels.

 

Monde du milieu

 Il est le reflet du monde dans lequel nous vivons dans la réalité ordinaire.  Il est peuplé des esprits de la nature, des ancêtres, des esprits non humains tels que fées et gnomes ou encore d’âmes décédées qui se sont perdues. Contrairement aux esprits d’en haut ou d’en bas, les esprits du milieu ne possèdent pas cette bienveillance intrinsèque, mais revendiquent leurs propres intérêts. Tout comme les gens ou évènements du monde du milieu, de la réalité ordinaire, les esprits du milieu peuvent potentiellement provoquer confusion, perturbation ou destruction, parfois par simple ignorance.

Les esprits alliés.

Animal powers qui a été traduit par l’animal de pouvoir (masculin et féminin) : est un esprit gardien. Cependant, le terme « animal » n’est pas le nom commun, mais l’adjectif épithète qui qualifie le nom commun : « powers ». Cette notion parle de « puissance d’action », de« capacité d’action ». On aurait pu aussi traduire ce terme comme des « capacités animales » qui est une traduction qui peut être plus compréhensible.

La connexion entre les humains et le monde animal est fondamentale dans le chamanisme. Pour accomplir sa tâche, le chaman dépend d’un pouvoir spécifique individuel qui lui est habituellement délivré par ses esprits, gardiens et alliés. Ses derniers se présentent généralement sous une forme animale. Ils peuvent voyager dans les différents mondes, guidant, protégeant et renseignant le chaman. Tout comme avec l’enseignant du monde d’en haut, ils peuvent tester le chaman pour déterminer la sincérité des liens les rattachant ainsi que la pureté de leurs intentions. Ils peuvent être plusieurs et peuvent changer au cours d’une vie. Toute personne dispose d’un esprit gardien qui l’accompagne. La différence réside dans le fait que le chaman en est conscient et s’en sert activement dans les états modifiés de conscience. 

 

Qu’est-ce qu’un voyage chamanique ?

On rejoint le large panel des états de consciences modifiés. Aldous Huxley dans son célèbre livre “les portes de la perception” utilise une métaphore : il compare le cerveau à un récepteur. Ce dernier, en fonctionnement normal, est réglé à recevoir un certain type d’information. La modification du récepteur, lors d’une modification de la conscience, élargi le champ de perception et ainsi rend possible la communication avec d’autres réalités.

Pour tenter de décrire la transe chamanique dans notre culture, l’occident parle de voyage dans l’imaginal. Vous trouverez ici un article qui en parle.  De plus, il y a une université à Paris qui travaille depuis maintenant quelques années sur la question de la transe chamanique dont vous trouverez le lien ici. 

 

La première étude scientifique sur la transe chamanique est lisible ici 

Nous présentons la première étude neurophysiologique d’un sujet normal, qui a reçu une formation approfondie dans la tradition chamanique mongole et est capable d’auto-induire un état de transe sans stimulation sensorielle externe. La cartographie EEG quantitative et l’imagerie source LORETA (tomographie électromagnétique à basse résolution) indiquent que l’état de conscience chamanique (SSC) implique un passage du mode analytique gauche normalement dominant au mode expérientiel droit d’expérience de soi, et du préfrontal antérieur normalement dominant au mode somatosensoriel postérieur. Ces découvertes ont des implications pour la psychobiologie du mode conscient normatif de conscience et des processus neurophysiologiques contribuant aux domaines dissociatifs, psychotiques et transpersonnels de l’expérience de soi. Ils peuvent être utilisés comme base pour faire le pont entre les techniques de guérison occidentales et traditionnelles.

 

Description de l’expérience du voyage chamanique ou transe chamanique. 

En premier lieu, il faut définir l’intention du voyage chamanique. Il lui donne un sens et une structure. L’intention peut être une destination, une question, un soin à effectuer…

Le voyage commence au son du tambour. Il faut alors se servir de notre imagination pour se rendre dans un lieu familier et le visualiser. Ce lieu servira de porte d’accès aux mondes d’en haut ou d’en bas. Pour accéder au monde d’en haut, il faut visualiser un lieu où l’on peut monter et vice versa pour le monde d’en bas.

L’imagination sert de porte d’accès à ses mondes. Une fois l’entrée du monde atteinte, le voyage peut commencer !

 

La pratique de « voyage chamanique » d’un point de vue psychodynamique.

La transe chamanique peut être vue comme une exploration de parts externalisées, une acquisition ou réacquisition de capacités/ressources/comportements/énergies, bloqués par l’identification. Vous trouverez ici différents articles pour approfondir la question. 

Les esprits, animaux, guides, etc, peuvent être vus comme des représentations de parts. Jung dirait que ce sont des parties séparées de la psyché, car non associé au « moi » (les archétypes). Toujours selon Jung, ce seraient donc des complexes autonomes inconscients qui apportent un message au « moi ». Un cas extrême : la « possession », nous pouvons voir ce phénomène comme une identification à une part de l’Ombre (Jung), une libération de l’énergie qu’elle contient (Vargiu, Stone), une dispersion ou décharge de cette part qui agissait par refoulement en interne, hors du contrôle et de l’attention (nous dirions populairement « inconsciemment »). Théoriquement, après décharge/dispersion, elle n’agit plus dans cet arrière-plan (Jung, Stone). Nous pouvons aussi noter ici une corrélation avec la pratique d’ « exorcisme » et ses symboles dans les traditions monothéistes.

Michael Harner propose des exercices pour goûter à cette expérience du genre : « demandez à votre double intérieur (ou quelque soit le nom que vous lui donnez) de vous envoyer un signe clair à 12h précise, et à 12h précise observez ce qui se passe. » Et à ce moment là il y a de grande chance qu’il y ait d’un côté quelque chose en vous qui se dit « c’est quand même bisar il vient de se passer un truc énorme juste à midi », quelque chose d’autre qui dira « oui mais l’expérience m’a induit à penser ou observer quelque chose« , une autre part qui dira « mais c’est idiot en plus je discute tout seul là« , une autre part qui se dira « c’est con mais ça marche… » etc….

 

Pour conclure :

Il n’est pas forcément pertinent ou utile de savoir si ce dont parle le chamanisme est « réel » ou pas dans une approche basé sur l’efficacité d’un changement de conscience via l’imaginal. L’important serait plutôt de réaliser que la transe chamanique, étudier de nos jours en tant que transe cognitive (grâce aux travaux portés par Corine Sombrun), est une technique efficace qui permet d’aider de nombreuses personnes. Ainsi, il est important de comprendre comment nous pouvons nous ouvrir et expérimenter ces expériences subjectives comme une méthode pertinente pour mieux nous connaître et tirer parti des effets bénéfiques de certaines pratiques, dans un contexte et une culture qui peuvent être ancrés dans nos modes de pensée. Cela aura toujours un impact bien plus fort et profond que de reprendre de manière artificielle un forclore qui ne correspond pas à notre culture et qui n’aura pas le même impact tant sur le plan rituel que sur le plan symbolique ou psychologique.

 

Une table ronde qui parle imaginaire, réalité et transe : entre voyage de l’imaginaire et voyage de l’âme. 

 

 

Articles en compléments :  

La pratique de l’appel aux directions

Chamanisme amazonien et monde occidental (ethnopsychiatrie) 

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