Avez-vous parfois remarqué comment ce que nous pensons de quelqu’un, de quelque chose, d’une situation ou d’un projet ne correspond pas nécessairement avec ce qui existe une fois l’expérience vécue ou faite de ladite personne, chose, situation ou projet ?
L’imaginaire, le symbolique et le réel sont les trois registres de la psychanalyse lacanienne. Il nomme cela le nœud borroméein. Lacan les définit et les utilise notamment dans ses écrits pour comprendre la formation et la construction de l’individualité au cours de la vie.
L’Imaginaire
L’imaginaire est l’ensemble des images qui forgent l’identité.
Il s’agit ici de tout ce qui touche au potentiel créatif et à l’innovation dont les éléments du Réel viennent alimenter la dynamique. C’est notre capacité à avoir notre propre perception et interprétation des faits et des actions. C’est aussi l’image externe que nous donnons sur l’extérieur. C’est ce qui permet de nous projeter dans l’avenir (avec effet stimulant ou inhibiteur), à créer des idées et des projets. Cette idée se retrouve dans l’approche narrative, à travers l’histoire que nous souhaitons raconter de nous-mêmes.
Le Symbolique
Le symbolique est le registre du langage. Le Symbolique est l’ensemble des lois, des règles, des valeurs, des normes, des rôles, des statuts et des codes qui nous donnent des repères pour comprendre le fonctionnement individuel et collectif. Il joue le rôle de porte d’entrée pour donner du sens au Réel. C’est tout ce qui peut signifier le sentiment d’appartenance, la reconnaissance, le tissage de liens relationnels ou à l’inverse la différence, le conflit avec l’autre.
Les recherches en anthropologie ou en ethnopsychiatrie soulignent cette idée, via l’importance des mythes pour organiser une société et établir un lien entre soi et la société.
Ils jouent un rôle essentiel dans la préservation de la mémoire historique et la construction de la continuité des époques. Le mythe de la modernité s’est effondré à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’on a constaté que la rationalité pouvait être utilisée pour accomplir le pire. Grâce à cela, le structuralisme a pu déconstruire ce qui avait conduit la modernité à accomplir les atrocités les plus atroces sous l’égide d’un idéal utopique. Mais que ce passe-t-il si nous sommes dans une société qui a supprimé toute forme de mythe, structurant la société et l’individu ? Ce besoin revient sous une autre forme, se diffusant partout, ce que l’on nomme le “Storytelling”. Nous avons plus de grandes histoires, et bien fabriquons une multitude de petites histoires auxquelles se raccrocher.
Le Réel
Tout d’abord, une petite distinction s’impose. Faites vous une différence entre le Réel et la Réalité ? A priori, pour beaucoup de personnes, c’est la même chose. En fait, le Réel correspond à ce qui EST et que la réalité correspond à notre interprétation de ce qui est. Le Réel serait ce qui existe en dehors de nous et la réalité serait donc notre représentation du réel à l’intérieur de nous.
Un Imaginaire envahissant
C’est le cas typique que nous retrouvons dans le commentaire “Tu prends tes rêves pour la réalité”. Ici, le Réel est soumis de façon excessive à tous les filtres de perceptions et d’interprétations d’un individu ou d’un groupe. L’Imaginaire prend ainsi toute la place du Réel en opérant des distorsions dans tous les sens. Les émotions sont alors exacerbées. Il s’agit généralement de personnes très anxieuses à l’idée du lendemain. En effet, elles sont focalisées sur le futur et ne parviennent pas à se recentrer sur leur présent. On peut confondre alors notre opinion avec la vérité, ce qui mène vers des formes de relativismes absolue.
Les risques d’un Imaginaire envahissant
Remettre toujours au lendemain
Se faire une montagne d’un rien
Des débordements émotionnels
La création de scénarios anxiogènes
Les idées reçues et les rumeurs
Les interprétations abusives
Les raccourcis
Un Imaginaire pauvre
Ce scénario représente la mort de la créativité. Dans l’entreprise, c’est le cas où tout tourne relativement bien, mais où aucune prise de risque n’est envisagé. C’est l’encroûtement par excellence. Les individus sont dans une routine extrême et leur motivation au travail est aussi intacte que le visage d’un boxeur après un combat en douze rounds. L’idée principale qui domine dans ce contexte est de ne surtout pas faire de vague. L’absence d’initiative est devenue une institution.
Dans un contexte plus particulier, il peut s’agir d’individus dont la vie leur parait ennuyeuse, sans relief et où le sens qu’elles donnent à leur existence a été perdu dans les tréfonds des habitudes et du quotidien.
Les risques d’un Imaginaire pauvre
La démotivation
L’encroûtement
L’absence d’ambition
La non-compétitivité des entreprises
La peur du changement
Une Hypertrophie du Symbolique
Dans un rapport symbolique trop développé, une personne serait le héros de son propre mythe. Il s’agit de la maladie du « petit chef » ces personnes qui se prennent volontiers pour dieu. Ce peut être une personnalité emblématique, très (trop) présente et lourde, avec une exacerbation du narcissisme qui souhaite laisser une empreinte profonde dans l’Histoire et faire de sa vie un mythe contemporain.
Les risques d’une hypertrophie du Symbolique
Une instrumentalisation des individus
Des craintes et peurs latentes
Un Réel complètement transformé
Un comportement autoritaire et oppressif
Une détérioration du Symbolique
En l’absence de symbolique, il est possible de se retrouver dans un rapport au monde dépourvu de signification, où l’on ressent l’absence d’appartenance à ce monde, de ne pas être né à la bonne époque. Cela accentue donc une sensation d’isolement et de solitude intense. En outre, si rien ne crée un lien entre moi et les autres, alors les autres ne sont que des instruments pour me permettre de progresser personnellement. Dans cette approche utilitariste des autres, nous sommes de plus en plus déconnectés des émotions et des attachements.
Les risques d’une détérioration du Symbolique
Un manque de repère
Une anxiété diffuse ou marquée
Un tempérament addictif pour être rassasié de satisfaction
Une absence de sentiment d’appartenance
Une cohésion fragile entre les individus
Un Réel hypertrophié
Ce cas de figure peut se vivre quand nous sommes centrés quasi exclusivement sur les objectifs, que la culture du résultat est érigée en “diktat”, ou encore que la recherche de l’excellence devient obsessionnelle. C’est le mode robot qui avance sans états d’âme et qui ne se soucie guère des conditions dans lesquelles un projet est mené à son terme. Nous retrouvons cet état d’esprit dans la formule parfois employée “La fin justifie les moyens”
Les risques principaux d’un Réel hypertrophié :
Un mode relationnel agressif
Une vision du monde binaire
Un manque de régulation dans les échanges
Des marques de reconnaissance inexistantes
Un Réel sous-estimé
Cette dynamique se retrouve dans les individus qui s’engagent dans un mouvement sectaire. En raison de leur manque d’intérêt pour la réalité, elles vont alors se tourner vers des récits déconnectés du monde réel, hors du commun, ce qui peut entraîner de graves risques de manipulation.
Les risques d’une sous-estimation du réel
Un manque de sécurité
Des pertes financières
Un fonctionnement chaotique
La confusion des rôles
Une désorganisation globale
Conclusion :
En diffusant ces notions d’imaginaire, symbolique et réel, je souhaite donner à chacun une perspective équilibrée sur notre construction de soi, nos relations avec autrui et le monde auquel nous appartenons. Observer comment toutes ces éléments sont intégrés afin de créer un lien existentiel entre soi et l’extérieur.
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