Nous sommes des êtres de culture :
Comme on le sait, toutes pensée et pratique humaine s’inscrivent dans un champ social. Elles peuvent se trouver plus ou moins cautionnées, valorisées et reconnues selon leur conformité aux normes du groupe social où elles se déploient. En termes de sociologie politique et de la connaissance, on dit qu’elles sont plus ou moins conformes à l’idéologie du groupe d’appartenance.
Nous avons tous déjà fait l’expérience étonnante de nous sentir différents et d’agir différemment en fonction des personnes avec qui nous sommes. Le père, l’ami, le mari, l’employé, le citoyen engagé, le fils, sont des rôles et des fonctions que nous revêtons et qui font ressortir différentes facettes en nous. Ce sont aussi différentes appartenances à différents groupes humains qui nous construisent chacune différemment. Cela ne signifie pas que nous n’avons pas de personnalité propre, pas de noyau, mais il est vrai que nous existons dans un environnement humain qui a toujours un impact sur notre manière d’être et de nous comporter.
La psychothérapie systémique prend au sérieux ce constat. Elle considère qu’une personne et ses difficultés doivent être comprises et travaillées là où elles émergent c’est-à-dire à l’intérieur du groupe humain. Lorsque nous sommes angoissés, déprimés, épuisés, nous avons tendance à penser que ce symptôme n’appartient qu’à nous, que nous avons un problème, que nous ne sommes pas normal. Mais souvent, c’est bien plus complexe. Car le groupe humain dans lequel nous nous situons s’est construit une identité, ses membres ont développé une manière d’être ensemble et des interactions que l’on peut comparer à une mécanique : c’est ce qu’on appelle un système.
La thérapie systémique :
Elle est née et a été développée au cours des années 50 au sein de l’École de Palo Alto, un regroupement de chercheurs créé sous l’impulsion de Gregory Bateson, un anthropologue, et de Don Jackson, un psychologue, et qui a travaillé sur l’adaptation du concept de la systémique aux relations humaines et aux approches psycho-analytiques, afin d’améliorer la prise en charge des personnes en difficulté. Il s’agit de la psychothérapie dite systémique individuelle mise en forme par Paul Watzlawick. Ainsi, cette thérapie systémique, basée sur les nouvelles recherches en communication, se focalise sur les difficultés réelles vécues dans le présent par le patient. Elle se penche également sur les manifestations de ces problèmes dans sa vie actuelle. Ceci, que ce soit dans le cadre individuel ou sur le plan relationnel. Et le but sera de l’aider à expérimenter d’autres manières d’être avec les autres, mais aussi avec lui-même.
Cette analyse rejoint une méthode d’une science dont le champ propre sera l’anthropsychiatrie, ou psychiatrie de l’humain en tant qu’existant, ou encore « idée historique » (Merleau-Ponty) et non pas seulement être vivant. Car tel est bien, dès le début, le fond du projet psychiatrique-psychanalytique : faire retour, approfondir et perpétuer le chemin d’une science de l’humain en tant qu’humain. La psychiatrie ne peut faire l’économie d’une réflexion sur l’humain en tant qu’il est un être de culture, avec l’aide de la psychanalyse, mais aussi des sciences humaines et de l’art.
Concrètement, nous pouvons alors dire que cette thérapie brève individuelle aide le sujet à :
- Comprendre les mécanismes de fonctionnement de ses relations avec son environnement,
- Dépasser toutes les impasses relationnelles pouvant générer de la souffrance ou un mal-être.
Pour mieux atteindre ces finalités, l’approche attache une importance particulière à la place que l’intéressé occupe dans tous les contextes de sa vie actuelle. Nous compterons dans ce cas tous les secteurs comme le plan affectif, amical, professionnel et familial.
Le thérapeute joue un rôle d’explorateur afin de permettre à l’individu de :
- Puiser dans ces ressources ;
- Développer sa capacité à gérer les difficultés ;
- Favoriser de nouvelles voies de communication.
Une caractéristique de cette approche :
L’une des caractéristiques principales du travail en TSI (thérapie systémique individuelle) est l’authenticité. L’approche systémique nous offre cette opportunité grâce à la créativité, à la liberté qu’elle accorde au thérapeute à travers les notions de non-neutralité, de prise en compte des émotions, d’hypothétisation, ainsi que par la possibilité de raconter des anecdotes, de faire appel aux métaphores notamment… Boscolo et Bertando explicitent deux aspects de l’approche systémique illustrant la question de l’authenticité : le premier, l’humeur du thérapeute qui peut être joyeuse sans pour autant discréditer ce dernier ni témoigner d’un quelconque manque de respect vis-à-vis des patients et de leur famille, et le deuxième, l’optimisme thérapeutique, la confiance que le thérapeute met dans le patient et ses ressources − une confiance dans l’humain et ses compétences, comme l’écrirait Ausloos.
La psychopathologie psychanalytique bien pensée (corrigée dans ses excès de mentalisme par une lecture phénoménologique ou herméneutique) peut être d’une grande utilité pour le systémicien.
L’apport de Jacques Schotte, psychiatre et psychanalyste belge, dans son projet d’anthropopsychiatrie, a promu par exemple la méthode patho-analytique comme grille de lecture des comportements psychopathologiques. En cherchant à conjoindre le meilleur de la psychanalyse, de la psychiatrie traditionnelle et de l’anthropologie phénoménologique, cette approche consiste à analyser la condition humaine à partir de la souffrance psychologique ; elle permet au thérapeute de rencontrer dans le patient un être humain comme lui, en ce sens que les troubles qu’il manifeste sont appréhendés comme des réponses exagérées et caricaturales, mais non moins humaines, à des problématiques d’humanisation qu’on se doit de comprendre pour se réaliser.