Revenir au corps pour lâcher le mental

Revenir au corps pour lâcher le mental

Le recours à la sensation et à l’éveil sensitif du corps est fréquent dans la plupart des voies spirituelles que ce soit dans l’hindouisme, dans l’hermétisme chrétien ou dans les différents chamanismes qui existent. L’éveil de la sensation permet ainsi d’amorcer une relation d’amour avec le corps et de pouvoir peu à peu « s’habiter ». 

(extrait des 7 plumes de l’aigle du conteur Henri Gougaud) 

 

L’instant présent a une épaisseur nommée, la durée ; le passé est la mémoire (qui peut porter en elle la nostalgie), le futur l’anticipation (qui peut porter en lui l’anxiété). Quand on parle de « voie du corps », on entend généralement une pratique corporelle qui vise à maîtriser le corps pour obtenir un état particulier. Ici, il n’est pas question d’un rapport de domination, mais d’une relation d’amour à travers l’éveil de la sensation. Mieux voir, entendre, sentir, mieux comprendre… C’est sortir des réflexes conditionnés et des attitudes qui nous ferment à une relation de qualité, à une forme de discernement. Je vous suggère d’inviter votre corps à ce que vous vivez, à ce que vous faites. Quelqu’un respire en nous, bat le cœur en nous et nous dit : « Ne t’inquiète pas, fais ce que tu dois, je veille ». Nous ne lui rendons jamais (ou trop rarement) hommage. Lorsque nous prêtons vraiment attention à ce qui se passe en nous et à l’extérieur de nous, les rouages de notre mental ralentissent et nos émotions s’apaisent. Il peut ainsi s’installer un sentiment de sécurité intérieure et la sensation d’exister pleinement. Soi, les autres, le monde, bref ! Tout ce que nous percevons, n’est plus déformé par nos émotions et nos projections.

« Je vais vous donner un exemple très simple de ce qu’est la voie du sentir : en ce moment, je sens ma main. Vous pouvez faire pareil. Je ne pense pas ma main, je la sens. Là, c’est binaire : je la sens ou je ne la sens pas. En cet instant, la sensation que j’ai de ma main est beaucoup plus réelle que toutes les pensées que je peux avoir sur elle. Vous comprenez ?

L’être que je suis ne se trouve donc pas localisé dans mon cœur, ma rate ou mon cerveau, l’être est où il y a conscience d’être. Et je ne fais pas cela pour obtenir quelque chose, je le fais pour occuper mon état d’être. Parce que j’ai un être et vous aussi, vous avez un être. Mais il se peut que votre être soit désoccupé de vous, qu’il soit vide. Votre être est là, en vous, habitez-le. Ne le laissez pas vacant.

J’ai un nom, une carte d’identité, oui, mais qui occupe mon être à l’intérieur ? Qui ? Si on me dit quelque chose de désagréable, je me fâche ; si on me flatte, je gonfle comme un crapaud. Je n’existe pas, je ne suis qu’une marionnette actionnée par les impacts extérieurs. »

L’expérience de vivre dans le monde passe d’abord par l’expérience d’être présente dans mon corps, de l’habiter. Comme l’explique Martine van Ditzhuyzen (membre de l’université du nous), le corps a une faculté fondamentale : on pourrait dire qu’il coopère avec l’environnement. Dans sa verticalité, dans l’acte de se tenir debout, notre corps travaille intimement avec la gravité. Il s’ajuste, se tend ici, se relâche là dans un dialogue subtil pour s’élever verticalement tout en gardant à travers nos pieds contact avec le sol. Par la respiration, il permet le flux entre dehors et dedans ce qui fait de nous des êtres en constante interaction avec l’extérieur. Afin de percevoir le monde, nos sens coopèrent entre eux pour recueillir les informations spatio-temporelles qui nous sont nécessaires pour nous mouvoir. Enfin, plus que la pensée – qui se situe dans le passé ou dans l’avenir – le corps vit dans l’ici et maintenant en contact avec le monde vivant.

Cela ne veut pas dire qu’il ne porte pas de traces du passé. Il a acquis des réflexes dans sa façon d’apprendre ou d’appréhender l’espace et la gravité. Ces conditionnements nous ont été inculqués pendant la petite enfance, par la façon dont nous avons été porté, choyé, soigné. Le corps a bel et bien une mémoire. Une mémoire qui semblerait-elle est ancestrale puisque intergénérationnelle. Mais chargé de cette mémoire, malgré ou peut-être grâce à elle, le corps sait ‘’ s’asseoir ’’ dans le moment présent. Il y a un lien certain entre le corps habité et notre présence au monde. Corps et environnement se rejoignent dans l’ici et maintenant. Ils concourent, coopèrent à une œuvre commune qui est celle de transporter la vie.

Apprendre à changer de posture interne :

L’être a moins besoin d’être vue que la personnalité. L’objectif est de viser plutôt à une présence connectée aux autres et au monde qui nous entoure. Néanmoins, la verticalité confronte encore au fait que nous avons toujours beaucoup à apprendre pour cultiver cet art d’être debout tout en restant humble. Les êtres humains sont les seuls sur terre à vivre debout. C’est peut- être en partie à cause de cette position singulière et unique que nous avons perdu notre humilité dans notre relation au monde vivant. L’objectif serait donc en revenant au corps et à la sensation, de retrouver une relation avec soi et avec le monde, bien plus équilibré.

La sensation n’est pas quelque chose de magique ou d’extraordinaire. Tout le monde peut l’expérimenter spontanément. C’est pour cette raison que la sensation est utilisée dans de nombreuses voies spirituelles car elle est un point d’appui que tout le monde connaît. En mettant notre attention sur la sensation, elle nous amène directement à la présence. Et c’est à partir de notre présence sensitive éveillée que l’on va pouvoir observer toutes nos identifications et tous nos conditionnements afin de s’en libérer.

 

L’éveil de la sensation est une pratique constante dans la voie du Sentir, comme Luis en témoignait.

« Je suis dans le sentir 24 heures sur 24. Je rentre à la maison, ma femme me parle, je suis dans le sentir. Je touche un chat, je suis dans le sentir. Je vais me faire un œuf au plat dans la cuisine, je suis dans le sentir. Je vais me laver, je suis dans le sentir.

C’est à partir de là que je suis inébranlable. Parce que le sentir ne projette pas. Il ne se préoccupe de rien, réussir ou ne pas réussir ne le concerne pas.

(…) Si je ne suis pas dans le sentir, si la sensation n’est pas éveillée en moi, je suis en manque. Mais je suis en manque de quoi ? En manque d’ancrage, en manque de terre.

Dans cet ancrage, je ne suis plus une marionnette parce que dans le sentir, je ne projette pas. Ma sensation étant éveillé, je ne me préoccupe pas de savoir si je vais réussir ou pas, le sentir se contrefout de réussir. »

 

Exercice : nos cinq sens sont les meilleurs outils pour pouvoir nous recentrer.

Pour cette raison, la sollicitation de l’ouïe, de la vue, du toucher, de l’odorat, est au cœur de la pratique de la pleine conscience.

Méditation sur les sons

Il s’agit là de se concentrer et de laisser venir tous les sons y compris les moins agréables (la non-discrimination fait aussi partie de la pleine conscience).

Des pensées, des souvenirs, des fantasmes peuvent jaillir, en même temps que d’autres sollicitations sensorielles. Acceptez cette interruption, puis revenez à l’exercice.

En restant ainsi concentré vous aurez la sensation de ne faire plus qu’un, avec le son. Vous pouvez faire le même exercice avec les autres sens.

Méditation sur la respiration 

De même la respiration et la voie la plus accessible et la plus efficace pour calmer les turbulences du mental et ainsi nous permettre de changer notre regard sur notre vie et ce qui nous entoure. Il suffit donc à différents moments de notre journée, de devenir plus conscient de notre souffle, simplement en le suivant.

Vous pouvez pratiquer cet exercice de respiration partout et à toute heure de votre journée.

  • En inspirant, pensez « j’inspire », afin d’avoir une conscience plus fine de l’air qui pénètre dans votre corps.
  • En expirant, pensez « j’expire », tout en étant conscient de l’air expulsé hors de votre corps.

Ces mots sont des guides, il vous rappelle de respirer dans l’instant présent.

Répétez : j’inspire, j’expire, jusqu’à ce que vous remarquiez que votre concentration est devenue paisible et ferme.

Méditation sur le corps : 

Regardez vos pieds (ou vos mains) en respirant profondément, asseyez-vous confortablement, vraiment confortablement peu importe là où vous êtes. Si vous pouvez vous mettre pieds nus, allez-y, faîtes le tranquillement.

Un fois vos pieds (ou vos mains) devant vous, et vous même dans une position confortable, observez-les comme si c’était la première fois. Faîtes les bouger, tourner, si vous avez envie de les toucher allez-y.

Observez vos pensées qui viennent, est ce qu’elles jugent ? Comparent ? Encouragent ? Ou vos pensées sont plutôt factuelles, grands/petits ? froids/chauds ?

Maintenant prenez le temps de visualiser l’ensemble des actions que vous avez réalisé grâce à vos pieds (ou vos mains) la dernière heure qui vient de s’écouler ?

Respirez quelques fois en conscience, goûtez le fait « que la vie est dans cette partie de votre corps » pour l’apprécier vraiment.

Comment vous sentez vous ?

 

source :

La voie du Sentir de Luis Ansa

L’universite-du-nous

 

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