Une voie d’équilibre (avec la psychanalyse de Lacan)

Une voie d’équilibre (avec la psychanalyse de Lacan)

Avez-vous parfois remarqué comment ce que nous pensons de quelqu’un, de quelque chose, d’une situation ou d’un projet ne correspond pas nécessairement avec ce qui existe une fois l’expérience vécue ou faite de ladite personne, chose, situation ou projet ?

L’imaginaire, le symbolique et le réel sont les trois registres de la psychanalyse lacanienne. Il nomme cela le nœud borroméein. Lacan les définit et les utilise notamment dans ses écrits pour comprendre la formation et la construction de l’individualité au cours de la vie.

L’Imaginaire

L’imaginaire est l’ensemble des images qui forgent l’identité.

 Jacques Lacan le distingue bien de l’imagination et du fantasme.  Pour le psychanalyste, c’est le fameux stade du miroir : L’enfant âgé de six à dix-huit mois qui se voit dans un miroir acquerrait ainsi la conscience de son corps : s’il prend tout d’abord son reflet pour un être réel qui n’est pas lui, il comprend ensuite que cette image est la sienne. Le stade du miroir montre ainsi que l’identité se constitue de couches d’identifications. Le moi se forge aussi par l’image des autres, que l’enfant identifie à la fois comme semblables et distincts de lui, et par celle de ses parents, qui sont à ses yeux des figures de puissance.

Il s’agit ici de tout ce qui touche au potentiel créatif et à l’innovation dont les éléments du Réel viennent alimenter la dynamique. C’est notre capacité à avoir notre propre perception et interprétation des faits et des actions. C’est aussi l’image externe que nous donnons sur l’extérieur. C’est ce qui permet de nous projeter dans l’avenir (avec effet stimulant ou inhibiteur), à créer des idées et des projets.

Le Symbolique

Le symbolique est le registre du langage.

Il est, dans la perspective de Lacan, ce qui va sortir le sujet de l’unité fusionnelle qu’il vivait avec sa mère et le confronter au monde extérieur. Ainsi, la relation à autrui serait essentiellement langagière, car l’individu est inséré dans un ordre d’échanges qui conditionnent son être. « Si l’homme vient à le penser (le symbolique), écrit Lacan, c’est qu’il y est d’abord pris dans son être »

Le Symbolique est l’ensemble des lois, des règles, des valeurs, des normes, des rôles, des statuts et des codes qui nous donnent des repères pour comprendre le fonctionnement individuel et collectif. Il joue le rôle de porte d’entrée pour donner du sens au Réel. C’est tout ce qui peut signifier le sentiment d’appartenance, la reconnaissance, le tissage de liens relationnels ou à l’inverse la différence, le conflit avec l’autre.

Le Réel

Tout d’abord, une petite distinction s’impose. Faites-vous une différence entre le Réel et la Réalité ? A priori, pour beaucoup de personnes, c’est la même chose. En fait, le Réel correspond à ce qui EST et que la réalité correspond à notre interprétation de ce qui est. Le Réel serait ce qui existe en dehors de nous et la réalité serait donc notre représentation du réel à l’intérieur de nous.

Lacan le distingue de la réalité, laquelle consiste dans le discours qui propose une manière de voir le monde à ceux qui y participent. La réalité est accessible par les sens et l’intelligence, tandis que réel se définit comme ce qui est impossible à appréhender. « Le réel n’est pas de ce monde, affirme Lacan. Il n’y a aucun espoir d’atteindre le réel par la représentation »

 « La cure n’est pas le vidage d’un sac de signifiants jusqu’au dernier, c’est plutôt le démêlement d’un nœud embrouillé, il s’agit de défaire les faux nouages responsables éventuellement d’autant d’effets : symptômes, inhibitions, angoisses, jusqu’à rencontrer le nœud irréductible de structure ». J.Lacan

Les différents scénarios possibles où l’équilibre des forces est rompue et où la conséquence majeure de ce déséquilibre est la perte du sens des actions menées.

Un Imaginaire envahissant

C’est le cas typique que nous retrouvons dans le commentaire “Tu prends tes rêves pour la réalité”. Ici, le Réel est soumis de façon excessive à tous les filtres de perceptions et d’interprétations d’un individu ou d’un groupe. L’Imaginaire prend ainsi toute la place du Réel en opérant des distorsions dans tous les sens. Les émotions sont alors exacerbées. Il s’agit généralement de personnes très anxieuses à l’idée du lendemain. En effet, elles sont focalisées sur le futur et ne parviennent pas à se recentrer sur leur présent.

Les risques d’un Imaginaire envahissant

Remettre toujours au lendemain

Se faire une montagne d’un rien

Des débordements émotionnels

La création de scénarios anxiogènes

Les idées reçues et les rumeurs

Les interprétations abusives

Les raccourcis

 

Un Imaginaire pauvre

Ce scénario représente la mort de la créativité. Dans l’entreprise, c’est le cas où tout tourne relativement bien, mais où aucune prise de risque n’est envisagé. C’est l’encroûtement par excellence. Les individus sont dans une routine extrême et leur motivation au travail est aussi intacte que le visage d’un boxeur après un combat en douze rounds. L’idée principale qui domine dans ce contexte est de ne surtout pas faire de vague. L’absence d’initiative est devenue une institution.

Dans un contexte plus particulier, il peut s’agir d’individus dont la vie leur parait ennuyeuse, sans relief et où le sens qu’elles donnent à leur existence a été perdu dans les tréfonds des habitudes et du quotidien.

Les risques d’un Imaginaire pauvre

La démotivation

L’encroûtement

L’absence d’ambition

La non-compétitivité des entreprises

La peur du changement

 

Une Hypertrophie du Symbolique

Vous connaissez ou avez connu un responsable d’équipe ou de service qui se prend pour Dieu? C’est le syndrome du “petit chef” par excellence. Il peut être une figure emblématique, très (trop) présente et pesante, avec un narcissisme exacerbé. C’est limite s’il parle de lui (ou d’elle) à la troisième personne.

Les risques d’une hypertrophie du Symbolique

Aucune place pour la créativité

Une instrumentalisation des individus

Des craintes et peurs latentes

Un Réel complètement transformé

Un comportement autoritaire et oppressif

 

Une détérioration du Symbolique

À l’inverse, un manque de Symbolique se retrouve lorsque les rôles, les fonctions, les places de chacun dans un groupe, une équipe ou une entreprise ne sont, soit pas déterminés, soit pas respectés. L’absence de leader qu’il soit charismatique ou non peut être source de perte de repère pour un groupe. Le sentiment de faire partie de quelque chose de plus grand n’est pas favorisé.

Dans un autre registre, plus individuel et lié aux champs de l’éducation, la place des parents et des rôles dans une famille est nécessaire pour le bon développement d’un enfant. Sans ces Symboles que peuvent représenter le Père ou la Mère (ou toute autre figure symbolique les représentant) avec tout ce qui les caractérise (cadre, amour, regard, validation, sécurité, confiance, reconnaissance, etc.) l’enfant évoluera dans un environnement qui lui semblera hostile et peu structuré.

Les risques d’une détérioration du Symbolique

Un manque de repère

Une anxiété diffuse ou marquée

Un envahissement de l’Imaginaire (ci-après)

Une absence de sentiment d’appartenance

Une cohésion fragile entre les individus

 

Un Réel hypertrophié

Ce cas de figure peut se vivre quand nous sommes centrés quasi exclusivement sur les objectifs, que la culture du résultat est érigée en “diktat”, ou encore que la recherche de l’excellence devient obsessionnelle. C’est le mode robot qui avance sans états d’âme et qui ne se soucie guère des conditions dans lesquelles un projet est mené à son terme. Nous retrouvons cet état d’esprit dans la formule parfois employée “La fin justifie les moyens”

Les risques principaux d’un Réel hypertrophié :

Un mode relationnel agressif

Un comportement tyrannique

Une rigidité dans les procédures

Un manque de régulation dans les échanges

Des marques de reconnaissance inexistantes

 

Un Réel sous-estimé

Les risques, inhérents à tout projet, ne sont pas évalués. Nous sommes alors en situation de refuser de voir la “réalité” en face. C’est un peu le genre “Tout va bien dans le meilleur des mondes”. Les objectifs ne sont pas suffisamment clairs ou sont carrément inexistants, les procédures sont vagues et aucun cadre n’est proposé.

Les risques d’une sous-estimation du réel

Un manque de sécurité

Des pertes financières

Un fonctionnement chaotique

La confusion des rôles

Une désorganisation globale

 

Conclusion : 

Mon objectif en partageant ce concept d’Imaginaire, symbolique et réel est de permettre à chacun d’avoir une grille de lecture équilibrée vis-à-vis des personnes, choses, situations ou projets que nous rencontrons au quotidien ainsi que vis-à-vis de soi-même quand nous sommes en plein doute. Identifier là où “ça pèche” nous permettra de rééquilibrer les forces en présence et de retrouver un sens perdu, parfois chèrement conquis.

 

 

 

 

 

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