La résilience comme stratégie du changement

La résilience comme stratégie du changement

La résilience est, à l’évidence, l’un des mots-clés du mouvement de la transition. En quoi est-elle l’une
des stratégies essentielles pour aller de l’avant ?

Commençons par un bref rappel de définition.

Issu de la physique, de la psychologie et de l’écologie, le mot – pour le dire simplement – évoque la capacité à affronter, supporter et traverser des chocs, des crises et des tensions extérieures sans s’effondrer et en gardant son intégrité.

 

Cela vaut aussi bien au plan individuel que collectif. L’une des richesses de la résilience, c’est justement qu’elle implique, d’emblée et par principe, d’autres que soi. Car on ne peut pas être résilient tout seul. Pour faire face et nous en sortir, nous avons besoin des autres. La présence de personnes pouvant jouer le rôle de « tuteur·trice·s de résilience » donne notamment un sentiment de sécurité, qui permet de s’adapter plus facilement au changement et de traverser les épreuves. Elle est d’autant plus nécessaire que nous ne sommes pas égaux·ales devant l’adversité.

Tout cela est encore plus vrai au plan collectif, que ce soit à l’échelle d’un quartier, d’une commune, d’une région ou d’un pays. Il n’y aura pas de transition écologique, sociale et économique sans le renforcement ou la création d’une trame communautaire vivante, tissée de solidarité, d’entraide, de partage, de confiance et de compassion. La résilience repose sur la mise en place de conditions permettant à ces qualités de se manifester. Elles émergeront avec d’autant plus de force pendant et après un choc qu’elles auront été cultivées avant.

Ces conditions et qualités sont clés pour ce qui constitue l’un des enjeux majeurs de la transition en matière de résilience : la création de ce que Joanna Macy appelle des « réseaux des tempêtes ». Des réseaux forts de liens de qualité entre toutes les personnes – même éloignées géographiquement – qui sont unies par un même sentiment d’urgence, une même soif et expérience de reliance. Ces réseaux sont et seront plus que jamais nécessaires pour faire face aux effondrements, aux catastrophes et autres pandémies, pour se préparer aussi à un avenir plus sobre et autosuffisant.
Ce qu’il faut bien voir, c’est que si la résilience est une stratégie en soi, elle est en même temps indissociable des autres stratégies pour aller de l’avant. Le travail sur l’imaginaire, la résistance, la résilience et la création d’alternatives – tout en étant distincts – sont en réalité profondément interreliés. Ces différents axes forment un tout. Ils n’existent pas et surtout ne peuvent déployer leur potentiel les uns sans les autres.

Ainsi, la résilience se nourrit d’imaginaire. Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik le montre bien : penser le trauma est radicalement différent de penser au trauma. Si penser « à » l’effondrement peut nous conduire au découragement et à la dépression en nous enfermant dans le scénario du malheur, penser « l’ » effondrement – c’est-à-dire effectuer un travail de conscience et émotionnel sur sa représentation – peut au contraire nous permettre de le traverser. La création collective de nouvelles histoires pour des futurs désirables constitue un puissant catalyseur non seulement de changement et de coopération, mais aussi de résilience.

La résilience est également création. Contrairement à ce que le mot évoque parfois, elle n’est pas passive. Elle n’est pas seulement de l’ordre de la protection, de la régénération ou du rééquilibrage. En tant que chemin de vie – individuel et collectif – elle constitue un véritable projet, essentiel pour se projeter autrement dans l’à-venir, avoir le désir de se mettre en route. Il ne s’agit pas de retrouver le statu quo ante, mais de rebondir. Donc de renaître, de naître à nouveau. Il ne s’agit pas seulement de survivre, mais de vivre. Pas seulement de s’adapter, mais de se transformer et d’initier des changements positifs dans le monde. Être résilient, c’est créer. Et créer, c’est ouvrir des horizons, faire émerger du nouveau, inventer en particulier de nouvelles manières d’être et de vivre ensemble, de produire, de nous déplacer, d’habiter, d’échanger.

Pour construire et accroître la résilience, quatre facteurs sont déterminants pour une communauté :

● Premièrement, la capacité de décider de ce qui la concerne et de générer des solutions correspondant à sa réalité. D’où l’importance de renforcer la démocratie de base et la participation au plan local.

● Deuxièmement, la capacité à apprendre et à s’adapter. D’où le besoin de favoriser une éducation diversifiée incluant de nouveaux savoirs, des approches qui mobilisent les potentialités latentes ou manifestes de chacun et chacune.

● Troisièmement, la capacité à designer le développement futur, avec un accent sur la diversité et la proximité. Deux éléments qui, comme le montrent les écosystèmes et les circuits alimentaires, renforcent la résistance et les capacités d’adaptation.

● Quatrièmement, la capacité de la communauté à créer du « nous » en honorant la singularité de tous les « je » et en leur permettant d’exprimer le meilleur d’eux-mêmes. D’où l’importance des processus d’intelligence collective et de gouvernance partagée.

S’il n’y pas de transition sans résilience, il n’y a pas non plus de résilience sans transition intérieure. Par ses processus, ses contenus et ses outils, la transition intérieure fournit des apports essentiels pour nourrir la résilience individuelle et collective.

Par : Michel Maxime Egger

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