L’écopsychologie : ce mode de pensée, vu aussi comme une prise de conscience, pourrait apporter une réponse au mal-être de notre société qui résonne comme un écho à la crise écologique. Elle explique que notre rupture avec la Terre est une des sources profondes de notre malaise social.
La notion d’écopsychologie est attribuée à Theodore Roszack qui lance cette idée avec l’espoir que les relations environnementales deviendraient une composante de chaque orientation thérapeutique, au même titre que les relations familiales. La nature est en effet une forme de famille élargie dont nous sommes membres. L’enjeu est de sortir du double dualisme nature/humain et extérieur/intérieur pour développer une conscience de l’unité du réel. Les humains ne sont pas au-dehors de la nature.
« Défini par le mot grec oïkos (maison, terre), psyché (l’âme humaine) et logos (le discours), l’écopsychologie veut changer le regard que nous portons sur la nature et nous conduire à ne plus la percevoir uniquement comme un stock de ressources, mais aussi comme une âme » nous explique Michel Maxime Egger. Déjà, le psychiatre et psychanalyste suisse Carl Gustav Jung (1875-1961) faisait le constat « qu’à mesure que la connaissance scientifique progressait, le monde s’est déshumanisé. L’homme se sent isolé dans le cosmos, car il n’est plus engagé dans la nature et a perdu sa participation affective inconsciente, avec ses phénomènes. »
« Des travaux ont ainsi montré que des salariés dont la fenêtre donne sur des arbres et des fleurs estiment leur travail moins stressant que ceux qui ont une vue sur des constructions urbaines », précise Nicolas Guéguen, professeur en sciences du comportement à l’université Bretagne-sud et auteur avec Sébastien Meineri de Pourquoi la nature nous fait du bien. Les écopsychologues estiment que notre rupture avec la Terre est une des sources profonde de notre malaise social.
Le grand mérite de l’écopsychologie est d’avoir fait émerger une perspective transdisciplinaire qui, pendant tout un temps, a manqué dans les milieux académiques ; d’avoir ouvert un champ où la psychologie, sous différentes approches (humaniste, psychanalytique…), côtoie l’écologie ainsi que les philosophies ouvertes sur les questions environnementales de notre époque ; et d’avoir permis que ces différents regards se croisent afin qu’une nouvelle vision puisse émerger.
L’écopsychologie cherche une autre vision du monde qui se démarque de celle qui a régné en Occident ces derniers siècles : la vision anthropocentrique, voire androcentrée, basée sur la séparation. Résolument, l’écopsychologie cherche à dépasser la pensée dualiste (dehors/dedans, nature/culture, masculin/féminin…) pour une perspective systémique où les éléments sont en interconnexion.
Elle tente à sa façon de répondre à la nécessité actuelle, mise en exergue par Edgar Morin, de « relever le défi de la complexité » :
« Deux principes se sont imposés à moi. Le premier est le principe de reliance. Relier ! Relier est devenu un principe cognitif permanent : une connaissance qui isole son objet le mutile et en occulte un caractère essentiel… Le second principe est l’insuffisance de la logique classique face aux contradictions qu’elle rejette, d’où la nécessité d’assumer une dialectique qui lie (encore la reliance…) les contradictions en ce que j’ai appelé une dialogique. »
L’écopsychologie suit la ligne tracée par Aldo Leopold selon laquelle « la terre est une communauté » dont les êtres humains doivent se percevoir comme des membres. Consciente de la dimension tendue entre le passé (nos origines sur le plan phylogénétique) et l’avenir (nos enfants et petits-enfants qui vivront sur cette planète), elle envisage les humains comme des êtres totalement imbriqués dans la toile de la vie
Dans ce sens, elle cherche à construire une psychologie dans laquelle la relation à l’environnement non-humain est entièrement prise en compte. C’est ce qu’Andy Fisher appelle sa tâche psychologique. Nourrie par la psychologie des profondeurs ainsi que par la psychologie humaniste, elle valorise l’expérience, l’écoute du ressenti, des émotions, des rêves, autrement dit la nature intérieure de l’être. Elle insiste sur la nécessité du « travail sur soi », sur l’expérience qui ramène au vécu et permet d’échapper à un hyper-rationalisme qui nous mutile. Elle se veut tout autant ouverture au soi profond qu’ouverture à l’autre, les deux étant pour elle étroitement liés.
La solution à la crise écologique se trouverait-elle autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nous ? Un lien vital, pas seulement physique, mais aussi psychique, nous relie à la nature. Mais comment renouer ce lien, mis à mal par la vie moderne ? Telles sont les questions que tente de résoudre l’écopsychologie, un courant de pensée en plein essor outre-Atlantique, regroupant scientifiques, médecins, psychologues, sociologues et philosophes. Les écopsychologues constituent une mouvance – plutôt qu’une science ou une nouvelle discipline de la psychologie – qui se veut sociocritique. L’objectif de l’écopsychologie est de restaurer les liens entre l’individu et la nature.
À l’image de certaines traditions, nous sommes donc aujourd’hui invités à écouter la nature et à nous reconnecter à elle pour simplement sentir notre interdépendance. Cette démarche passe par l’intériorité, car il faut aussi se mettre dans un état d’écoute et de disponibilité comparable à la prière ou la méditation afin d’avoir accès à une dimension spirituelle.
L’enjeu est, par un travail de conscience, de déconstruire le « faux moi » conditionné par la technologie et la consommation, de dévoiler le formatage par la publicité, le marché et les pressions sociales. Au moi égocentré, séparant et individuel qui a conditionné la culture dominante en occident, les écopsychologues substituent un « moi écologique », écocentré, et reliant. Le soleil ne brille pas sur nous, mais en nous. Les rivières ne coulent pas sur nous, mais à travers nous. Poser des questions est une composante essentielle du processus de prise de conscience. Des aspects personnels pourront être approfondis avec le patient au cours de la thérapie : Peut-il raconter une expérience positive vécue dans la nature ? A-t-il au contraire des souvenirs négatifs ? Va-t-il marcher, camper ou nager ? Que ressent-il ? La nature est-elle pour lui un espace de loisir ou une présence ? Passe-t-il la majeure partie de son temps dedans ou dehors, dans la lumière naturelle ou artificielle, assis ou en mouvement ?
Quelques attitudes à adopter :
- Se mettre dans une attitude de réceptivité et d’écoute, se relier à la nature (pieds nus sur la terre par exemple, en verticalité pour sentir la connexion entre la terre et le ciel)
- Oser entrer dans un nouvel imaginaire, une nouvelle vision du monde où l’être humain ne se voit plus comme extérieur : parler aux plantes, caresser les troncs d’arbres.
- Se demander quelle est sa place dans le monde et que puis-je faire pour qu’adviennent des relations plus justes avec la nature ?
- Se demander que faire, quelle action pourrait me convenir pour apporter ma pierre à l’évolution écologique ?
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