Les nouvelles psychopathologies lié à notre société   

Les nouvelles psychopathologies lié à notre société  

La société contemporaine, marquée par la mondialisation, l’individualisme et l’accélération du temps social, transforme en profondeur les subjectivités. Ces mutations sociétales affectent les modes de vie, les rapports sociaux et les formes d’existence, et s’accompagnent de l’émergence ou de la transformation de troubles psychiques que l’on qualifie aujourd’hui de « nouvelles psychopathologies ». Ces dernières ne sont pas toujours nouvelles dans leur structure, mais dans leur mode de manifestation, leur fréquence, leur intensité ou leur rapport au contexte social.

Mutation du lien social et nouvelles formes de souffrance

Les sociétés contemporaines occidentales valorisent la performance, la compétition et l’autonomie, au détriment des liens sociaux stables et durables. Cette transformation affecte les sujets dans leur rapport à eux-mêmes et aux autres. Les travaux de Christophe Dejours, de Richard Sennett ou encore d’Alain Ehrenberg soulignent que la perte des repères collectifs, la précarité et la solitude engendrent une souffrance psychique qui n’est plus tant liée à la répression (comme dans les névroses classiques), qu’à une perte d’idéal, de reconnaissance et de sens.

L’individu contemporain est sommé de se construire lui-même, de se réaliser dans un monde instable, incertain et exigeant. Ce « culte de la performance » (Ehrenberg, La fatigue d’être soi) participe à l’augmentation des troubles anxieux, des dépressions existentielles et des burn-out.

 

Hyperconnexion et fragmentation psychique

La révolution numérique et la généralisation des écrans ont également modifié les conditions de l’attention, du rapport au corps, au désir et à l’autre. Le sujet est sollicité en permanence dans une logique de zapping, d’instantanéité, de surstimulation, qui peut entraîner des troubles de l’attention (TDAH), des troubles du sommeil, et un sentiment d’éclatement du moi.

Bernard Stiegler alertait déjà sur les effets délétères d’une économie de l’attention qui capte et marchandises les affects, fragmentant les processus de subjectivation. Ce nouveau contexte favorise l’émergence de troubles liés à l’addiction, à la dissociation, voire à des formes d’anhédonie, c’est-à-dire d’incapacité à ressentir du plaisir ou de l’émotion.

 

Narcissisme contemporain et fragilité identitaire

Dans un contexte où l’image de soi est constamment exposée et évaluée (notamment sur les réseaux sociaux), on assiste à une montée des troubles narcissiques. Le sujet est sommé de « se montrer », de se mettre en scène, de performer son existence. Cela engendre une fragilité identitaire et une dépendance au regard d’autrui.

Des formes nouvelles de mal-être apparaissent alors : syndromes d’imposture, troubles dysmorphiques, sentiments chroniques d’infériorité, mais aussi troubles de la personnalité borderline, marqués par une instabilité émotionnelle, une peur de l’abandon et une difficulté à se construire un moi cohérent.

 

La médicalisation du mal-être et la normalisation psychique

Dans ce contexte, on observe également une tendance à la médicalisation croissante des souffrances ordinaires. Le DSM-5, manuel de référence en psychiatrie, est souvent critiqué pour sa logique classificatoire qui tend à pathologiser des variations normales du comportement humain.

La multiplication des diagnostics et des traitements psychotropes participe à une normalisation des affects et des conduites. Pour Roland Gori (La fabrique des imposteurs, 2013), cette psychiatrisation du mal-être est le symptôme d’une société qui ne tolère plus l’inadaptation, l’ambiguïté ou la fragilité.

 

 

Conclusion

Les nouvelles psychopathologies de la société contemporaine ne sont pas déconnectées de leur contexte historique et social : elles en sont au contraire les symptômes les plus visibles. Ces troubles traduisent une crise du lien, du sens, du temps, de la subjectivité. Face à cette situation, il est essentiel de développer une approche clinique qui prenne en compte non seulement l’individu, mais aussi son environnement, ses contraintes sociales et culturelles. Une critique des normes contemporaines de performance, de visibilité et de consommation apparaît dès lors comme une nécessité éthique autant que thérapeutique.